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samedi 23 novembre 2013

Les vicissitudes du bougre (Réflexions philologiques)



De nos jours le bougre n’a d’autre alternative que d’être pauvre ou bon. Tout au plus peut-il encore ambitionner de ne pas être mauvais. Avant   de devenir un synonyme de type, gaillard ou gars, il en a parcouru du chemin, le bougre !

Dérivé du bas latin bulgarus, il forme un doublet insoupçonné avec bulgare. Faut-il en déduire que le Bulgare a une réputation séculaire de brave homme, de  pauvre type ou de sacré gaillard ? Ce serait errer. En fait, le terme ancien français de Bogre désignait bel et bien un Bulgare mais un bulgare bien particulier. Il s’agissait d’un Bogomile, membre d’une hérésie bulgare proche du catharisme. En ces temps ou l’ignorance le disputait à l’intolérance on n’hésitait pas à calomnier ceux qui s’éloignaient de l’orthodoxie, qu’elle fût romaine ou byzantine. Ainsi, ces pauvres dissidents se virent-ils accusés de pratiquer la sodomie, ce qui en ces âges obscurantistes, contrairement à nos temps éclairés,  n’avait rien de flatteur. C’est ainsi que le terme finit par désigner non plus un hérésiarque bulgare mais tout simplement un sodomite, un pédéraste, synecdoque basée sur la calomnie.

Le terme bougre conserva ce sens jusqu’au XVIIe siècle puisqu’un raconte que Ravaillac vit son fanatisme exacerbé par des prêtres dénonçant en chaire le « bon » roi Henry comme un bougre et un bâtard bien qu’à la même époque il ait commencé à désigner de manière familière et péjorative un individu. Bougre, édulcoré en bigre devint simultanément  un juron que le pudibond M. Littré qualifiait de rien moins que « très grossier ». Mais  le temps érode tout et ôte aux mots leur force.  D’auteur de crime sexuel, le bougre devint personnage anodin. On pourrait en dire autant du crime qu’il impliquait. O tempora ! O mores !

Sauf que la langue anglaise qui fonctionne parfois pour les mots d’ancien français comme un congélateur pour la nourriture lui a conservé son sens ancien. Même si ce sens est considéré « old fashionned », le substantif  Bugger n’en continue pas moins de désigner un pédéraste, le verbe to bugger signifie encore « se livrer à la pédérastie »  et buggery  garde le sens de « sodomie ». Il faut cependant reconnaître que substantifs et verbe voient leur sens original s’estomper pour, via des expressions très familières, prendre de nouvelles  acceptions dénuées de ces connotations sexuelles.

Suivant le même schéma évolutif, ne pourrait-on pas considérer qu’une des pires insultes qui soit de nos jours, l’abhorré fasciste, s’édulcore avec le temps et fasse qu’une phrase comme «Ce Robert, c’est pas le mauvais fasciste, mais il nous saoule avec son Trotsky » n’ait plus rien de paradoxal (ni de choquant) ?

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21 commentaires:

  1. J'ai voté, et je me retrouve dans la majorité des 70%. J'avoue que ça m'embête un peu d'être dans une majorité quelconque... ;)

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  2. Je suis fan de M. Hollande, bien sûr !

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  3. De même que jadis le bougre était édulcoré en "b... " , peut-être faudrait-il commencer par écrire " f... ".

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  4. C'est bigrement intéressant tout ça ...

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    1. Iriez-vous jusqu'à bougrement, dans un élan d'enthousiasme ?

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    2. J'hésite... ce serait bougrement fort !

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  5. Bigre!
    Pour accéder à votre blog "nouvelle formule", je suis obligé de passer par internet explorer, de là, aller chez Corto et vous trouver dans ses liens. Juste pour que vous sachiez que je ne répugne à aucun effort pour vous lire.

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    1. Je suis allé sur votre blog et j'ai vu que le lien vers mon blog "nouvelle formule" fonctionnait parfaitement ! L'auriez-vous modifié depuis ce commentaire ? Quoi qu'il en soit je vous remercie pour tous les efforts déployés !

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    2. Il fonctionne mais je ne peux poster de commentaires élogieux et pertinents qu'en parcourant le labyrinthe que je vous décris.

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    3. Je suis arrivé ici par votre lien et je parviens à écrire. Vous aurait-on jeté un sort ? Recommencez le lien ou essayez avec un commentaire injurieux, on ne sait jamais...

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  6. Je ne comprends toujours pas pourquoi vous semblez vouloir -vos accointances avec la perfide Albion, je présume- pourquoi le terme de bougre renverrait plus à sodomite qu'à Bulgare. Êtes-vous tant dénué de cœur que vous refuseriez de parler de Leonarda comme d'une... bougresse ? (Je sais, c'est pas la Bulgarie mais la Rrrroumanie, mais c'est un peu bonnet gris et gris bonnet, non ?)

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    1. Ce n'est pas moi qui le dit mais nombre de dictionnaires. On peut d'ailleurs penser qu'apprenant que le roi de France était Bulgare, Ravaillac en eût été tout aussi contrarié.

      Beaucoup de Rroms venant de Bulgarie, les décrirait-on fidèlement en les appelant des bougres ou de pauvres bougres ?

      Pour ce qui est des Anglais, je ne peux rien à leur conservatisme...

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  7. De nos jours sous la tutelle du grand françois, les bougres seraient les bienvenus!

    Difficile de vous trouver même en passant par Google qui nous renvoie sur l' ancienne formule, bougre de Dieu.

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    1. Mettez ce lien dans vos favoris ou sur un document word, ça devrait marcher !
      http://vudescollines.blogspot.fr/

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  8. ... et "Bougresse" alors ? ... sodomite aussi ?

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    1. On peut supposer que la bougresse est l'infortunée épouse du bougre qui non seulement se voit humiliée par les mœurs pédérastiques de son conjoint mais se voit contrainte de subir elle même ses pratiques contre nature.

      Il est également possible d'envisager le cas où la bougresse serait la complice volontaire du bougre, prenant plaisir à ses débauches ou même qu'elle bat la campagne à la recherche de bougres susceptibles de satisfaire ses appétits pervers.

      On ne plaindra jamais assez la première ni ne blâmera suffisamment la seconde.

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  9. Excellent!
    D'ailleurs j'ai toujours considéré M. le Maire de Paris, notamment, comme un bon bougre.
    Amitiés.

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