Je me plais à regarder des émissions telles que « Faites entrer l’accusé » ou « Héritages ». Non par je-ne-sais-quel goût du morbide ou parce que les faits qu’elles relatent provoqueraient en moi une quelconque indignation face à l’état de la société. Seule une froide curiosité m’y pousse. Voir des gens se livrer à des meurtres voire des assassinats pour des motifs souvent dérisoires m’intrigue toujours.
La passion d’Arsène pour les courses de bourrins rend ses fins de mois difficiles, il assassine sa vieille mère afin d’en hériter. Le mari de Gisèle la trompe éhontément, elle le tue à coups de fourchette à huîtres avant de le découper en morceaux qu’elle congèle. Ce faisant ces braves gens se retrouvent face à une cour de justice qui les condamne à X années de prison dont ils ressortiront pour le premier sans s’être mis à l’abri du besoin et la seconde sans risquer de se retrouver à nouveau trompée. Visiblement, ils n’ont pas choisi la meilleure des solutions à leurs problèmes.
Confrontés aux mêmes soucis, la plupart des gens réagissent de manière plus raisonnable car sinon la question du surpeuplement de la planète serait vite réglée. Je ne peux que ressentir, en dehors d’une certaine peine pour leurs (plus ou moins) innocentes victimes et leurs proches un brin de pitié pour les bourreaux. Pour éviter l’inconfort, ils ont, comme dirait l’Anglois, « sauté de la poêle dans le feu » . Ce qui n’est pas très malin.
Ces considérations hautement morales me sont inspirées par un procès qui se tient actuellement et passionne les media et peut-être même les foules, celui d’un mari ayant sauvagement occis madame son épouse avant de tenter de brûler son corps. Pour tout arranger, ledit individu, une fois la disparue retrouvé avait, en compagnie de ses beaux parents montré la plus grande affliction et crié vengeance avant d’avouer son terrible forfait. Du coup, aux yeux de beaucoup, il est passé du rôle de mari modèle éploré et de gendre parfait à celui de monstre odieux.
Il me paraît évident que si ce meurtre a eu lieu, ce n’est pas qu’en rentrant d’une journée chez ses beaux-parents en compagnie de sa délicieuse épouse, ce monsieur, ne sachant pas pas trop quoi faire de sa soirée, s’est dit que massacrer sa moitié d’orange avec qui il s’entendait si bien serait une manière agréable de sortir de la routine. Il est très probable que quelque incident soit venu perturber la paix de ce couple sympathique. On peut même envisager que, sous des dehors parfaits l’harmonie entre les deux tourtereaux était loin d’être toujours totale. La défense des parties civiles tentera sans doute d’accabler le mari tueur, celle de ce dernier de mettre en doute l’angélisme de la victime. C’est de bonne guerre.
Le problème c’est qu’en dehors du prévenu (qui, selon le proverbe, en vaudrait deux), il n’existe aucun témoin de la scène et que par conséquent on ne saura jamais avec certitude le détail de ce qui s’est passé. Quel que soit l’élément déclencheur, force est de constater que l’homme a totalement perdu pied et, pris de folie meurtrière, s’est acharné sur sa victime. A partir de ce moment, il s’est trouvé pris dans une spirale d’autant plus infernale qu’il n’avait pas le courage d’avouer son forfait. D’où tentative de détruire le corps. Ensuite, vu les rapports étroits qui l’unissaient à sa belle-famille, que pouvait-il faire sinon pleurer (Sur lui-même ? Sur la perte de sa compagne ? Sur sa vie brisée ? Sur l’horreur de son crime ? Allez savoir…) ? Pouvait-on l’imaginer dire sur un ton blasé après la découverte du corps « Bah, c’est pas la première joggeuse qui se fait assassiner, c’est la faute à pas de chance ? Elle s’est trouvée au mauvais endroit au mauvais moment, c’est tout.» Bien sûr, son retour sur ses aveux, ses accusations de complot familial ne jouent pas en sa faveur et témoignent d’un esprit pour le moins perturbé. Mais pour en venir à tuer son épouse ou toute autre personne de son entourage sur un coup de colère, quelles qu’en soient les raisons, n’est-on pas, au moins temporairement, dérangé ?
J’avoue être troublé par ce genre d’affaires. Qui peut dire qu’un être capable de perdre tout contrôle est à l’abri d’une rechute ? Qu’une peine de prison, si sévère soit-elle, qu’un traitement psychiatrique ou que l’association des deux seraient en mesure de le régénérer ? Personnellement je n’en sais rien et me réjouis, vue mon incapacité, de n’avoir pas à en juger et que cette obligation sociale soit remplie par d’autres aux idées mieux arrêtées.