Je ne suis, n ‘ai jamais été,
et il y a de moins en moins de chances pour que je devienne un jour
ce que l’on appelle un sportif.Toutefois, il est
un sport que je pratique
parfois et
dont je m’étonne qu’il ne soit pas une discipline olympique vu
son nombre d’adeptes :
l’engueulade en famille. Il faut dire qu’il existe diverses
explications à la raréfaction des occasion que j’ai de jouir de
cette innocente distraction familiale. Le
décès de mes parents en est une. Ma mère nous ayant quitté, selon
elle, pour un monde meilleur il y a trente cinq ans, les réunions
familiales se firent plus rares et sans l’ardeur qu’elle mettait
à y faire monter le ton, elles avaient beaucoup perdu de leur
vigueur. Malgré les efforts méritoires de mon frère aîné pour
provoquer l’ire de mon père, ce n’était plus ça. Ce
qui a le plus nui à ma pratique est ma tendance de plus en plus
marquée à éviter toute réunion familiale. Depuis la mort de mon
père, avec qui j’avais fini par m’entendre très bien, plus
question d’assister au moindre mariage, baptême, communion ou
funérailles. Au début, on insistait pour que j’y assiste et puis,
avec le temps on a compris et si on m’invite encore, c’est
uniquement pour la forme.
En
dehors de quelques neveux et nièces que je n’ai jamais beaucoup
fréquentés et des nombreux cousins que je ne vois plus depuis des
décennies parce que, la vie, c’est comme ça, j’ai pour toute
famille deux frères et une fille. Vu que j’adore cette dernière
et que nous nous entendons à merveille, les chances de disputes sont
inexistantes. Lors des rares
rencontres avec mon plus jeune
frère, nous évitons les rares
sujets qui fâchent et tout se passe bien. Il ne me reste donc, pour
m’adonner à l’engueulade familiale, que mon frère aîné.
Et
avec lui, je ne suis jamais déçu. Il se trouve qu’ayant fait de
mauvaises rencontres dans sa jeunesse et qu’étant de nature
fidèle, il est de gauche. Pas d’une gauche modérée, limite
centriste, non, d’une gauche radicale tendance écolo. Ce que M. Le
Pen appelait une
pastèque : vert à l’extérieur et bien rouge en dedans. Ce
qui a pour conséquence que la plupart des sujets sont, vues nos
positions respectives, susceptibles de fâcher. C’est pourquoi, il
est très rare que nos rencontres, après un début paisible, ne
tournent à l’affrontement verbal. C’est
un peu comme sur un terrain miné : où qu’on pose le pied,
l’explosion menace et comme en l’occurrence le terrain est
densément miné, il faut une chance extraordinaire pour le traverser
sans encombre.
Ces
anicroches ne parviennent pas réellement à entamer ma bonne humeur.
Bien sûr, les voix montent, les remarques peu
amènes pleuvent, mais je vois
davantage cela comme les étapes obligées d’un rite. Vu que les
points de vue sont totalement
irréconciliables et
qu’aucun des participants ne risque de convertir l’autre,
il ne peut y avoir ni gagnant ni perdant dans
ce qui, au fond, n’est qu’un jeu sans véritable enjeu.
Bien
sûr, on pourrait se dire que l’harmonie serait préférable. Mais
autant regretter qu’il y ait tant d’arêtes dans le bar et
si peu de soleil en Normandie...