Certains changent leur bébé (et c’est la moindre des choses),
d’autres changent de voiture, à Châtelet
pour aller à Gare du Nord, une roue crevée, de sexe, leurs Euros en Dollars, d’avis
comme de chemise, d’adresse ou encore la combinaison du digicode. Parmi les
désireux de changement, nombreux sont ceux qui voudraient changer le monde.
Contrairement aux exemples donnés auparavant, cette ambition est difficilement
atteignable.
Il faut dire que la tâche est si rude que s’y atteler seul
relève de l’utopie. Même les plus
optimistes ressentent le besoin pour boucler l’affaire, de s’entourer de partisans
voire même d’alliés. Et c’est là que le bât commence à blesser. Car s’il est
possible qu’une majorité éprouve un désir de tout changer, il est rare qu’elle
s’entende sur les modalités à appliquer et les buts à atteindre. Du coup, le
changeur de monde se voit contraint à ne s’appuyer que sur une minorité qui
contraindra, de préférence en instaurant la terreur, les autres à feindre de partager
son projet et sa manière d’y parvenir. Et ça ne marche pas. MM. Staline, Hitler
et Mao, pour ne citer que les plus marquants n’ont connu que des succès locaux et fugaces.
D’ailleurs, pourquoi désire-t-on le changer, ce foutu monde ?
Il semblerait que la radicalité du changement désiré soit directement proportionnelle
à la sensation d’inadaptation que ressent le désirant. Ainsi un esclave
insatisfait de sa situation est généralement plus abolitionniste que son
propriétaire quand ce dernier est content de ses services et du système qui lui
permet d’en profiter. De même, un modeste ouvrier satisfait de son sort, si
médiocre soit-il, est moins pour le changement qu’un patron fortuné selon
lequel le système actuel l’empêche de
donner sa véritable mesure. On pourrait aussi considérer qu’un retraité vivant
dans un cadre qui lui convient et jouit d’une liberté lui permettant de
pratiquer sans autre contrainte que ses propres limites ses loisirs préférés souhaite moins le changement que celui que ses
ailes de géants empêchent de marcher…
Et puis, ce foutu monde, il a tendance à changer tout seul,
le bougre, du fait d’innombrables initiatives individuelles rarement coordonnées ou
concertées mais dont les actions, réactions et interactions qu’elles entraînent
ont pour effet de le transformer et d’orienter sa mutation. Qu’il change pour
le meilleur ou pour le pire est porter un jugement moral sur un phénomène aussi
inéluctable que la gravitation universelle et personne ne songe à dire si le
fait qu’une lourde pierre tombe à terre plutôt que de monter en l’air est bon,
mauvais, juste ou injuste. La seul' chos'
qui compt'c'est, pour parodier Boris Vian, [de ne pas se trouver à] l'endroit où s'qu'ell' tombe.
Mais je m’aperçois que ces considérations fatalistes sont cruellement dépourvues de merles, de campagnols et de mildiou. Pour m’en
remettre, je vais de ce pas planter des choux au potager en rêvant d’un monde
plus juste où aucune piéride ne viendrait les boulotter....