..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

lundi 4 août 2014

Le Portugal



Situé au sud-ouest de l’Europe, le Portugal se distingue de la Suisse, du Liechtenstein et de la Mongolie par une façade océanique importante. Il y règne un climat méditerranéen, ce qui est surprenant de la part d’un pays  dont les côtes sont situées sur l’Atlantique. En dehors du continent, et à l’exemple de l’Espagne et de ses Canaries, le Portugal possède des archipels perdus au milieu de l’océan, les Açores, célèbres pour leur anticyclone* et Madère, renommé pour son vin. C’est sur l’île de Pico, aux Açores que se trouve le point culminant du pays, un volcan pas très actif, surtout pour un portugais, nommé Ponta da pico, dont le sommet s’élève à 2351 m. Sur le continent, il faut se contenter de 1993 m à la Serra de Estrela (dont on se demande pourquoi elle n’est pas montée jusqu’à 2000 m, vu que le plus gros du travail était fait). Le nord-est y est montagneux et le reste nettement moins. Il arrive même que certaines parties plates et de faible altitude y constituent des plaines. C’est dire si les paysages y sont variés. De nombreux fleuves le parcourent, souvent venus d’Espagne. Ce qui est très frustrant pour les amateurs de sources portugais et les passionnés d’embouchures espagnols contraints de se rendre à l’étranger pour assouvir leur passion.

L’histoire du Portugal est riche et longue. Dès l’antiquité, Grecs et Phéniciens venaient s’y ravitailler en morue (dont ils raffolaient) et en métaux. Lisbonne aurait été fondée par les Phénicien mille ans avant Jésus-Christ. Mais il s’agit là de on-dits auxquels nous accorderons un crédit limité en l’absence de témoins. Colonisé par Rome, le pays connut les invasions barbares avant d’être conquis par les arabes, suite à l’absence d’un Charles Martel local. Toutefois, la Reconquista permit que se formât, en 1139 un royaume du Portugal. Il est à noter que les frontières du pays avec l’Espagne sont les plus anciennes du monde, vu qu’elles ont été fixées par le traité d’Alcanices en 1297 et qu’elles n’ont pas bougé depuis. Au XVe siècle, à force de regarder l’Atlantique, certains portugais finirent par se demander si en y naviguant on ne parviendrait pas à d’autres contrées. C’est ainsi que de hardis navigateurs se mirent à explorer les côtes africaines avant de partir pour les Indes et, contrairement à Colomb, d’y parvenir. Et ils ne s’arrêtèrent pas là ! Ils s’établiront en Chine et pousseront jusqu’au Japon.  De l’autre côté, ils conquièrent le Brésil d’où ils ramènent le fameux bois éponyme, le football et la samba. Le Portugal connaîtra son âge d’or suivi, comme il se doit d’une lente et constante décadence. Un temps réuni à son voisin espagnol, il retrouve son indépendance et reste un royaume jusqu’à ce qu’une révolution y établisse la république en 1910 avant qu’un coup d’état militaire  ne mène finalement au pouvoir un certain de Oliveira Salazar qui y restera une quarantaine d’années jusqu’à ce que son régime soit renversé par la Révolution des Œillets en 1974. Ensuite le pays rejoint l’Union Européenne, la zone Euro et est désormais gouverné depuis  Bruxelles.

« Si les Portugais sont gais, les Espagnols sont gnols » aimait à répéter Heidegger. Et pour ce qui est d’être jovial, le Portugais ne craint personne. Inlassable travailleur, il ne crache pas sur le pinard et partage avec le Phénicien un goût immodéré pour la morue. Bien que qualifié de lusophone, c’est le Portugais et non le luso qu’il parle. Il s’agit d’une sorte d’Espagnol, mais avec des voyelles nasales. Le Portugais s’appelle de Oliveira, da Costa ou da Silva, ses enfants Maria, Joao ou Jesus, suivant leur sexe et sa femme Mme de Oliveira, da Costa ou da Silva. Il est de culture catholique et adore les travaux de maçonnerie. Tout cela est fort sympathique et a permis à la nombreuse communauté portugaise venue travailler en France de se fondre totalement dans la population bien que la pilosité de ses femmes ait fait l’objet de plaisanteries douteuses dans les années quatre-vingts.

Du point de vue économique, les choses se sont arrangées depuis la dernière révolution même si la récente crise y a fait des ravages. Le tourisme, l’industrie du bouchon et la viticulture participent à la richesse du pays. Ces trois activités sont complémentaires, vu que la présence en quantité de chênes-lièges a donné à l’industrieux Portugais l’idée d’en tirer des bouchons, qu’une fois qu’il s’est trouvé avec des tonnes de bouchons, il s’est dit qu’il faudrait bien boucher quelque chose avec et s’est mis à cultiver la vigne, notamment autour de Porto et qu'enfin la présence de ce vin liquoreux a donné à ces boit-sans-soif d’Anglais l’idée de venir s’y soûler honteusement. Les touristes Espagnols devancent en nombre nos amis d’Outre-manche, venant probablement y admirer les belles embouchures dont leur pays est privé.  Sinon, on y fabrique de l’huile d’olive, des automobiles et tout plein de trucs.

Contrairement à bien d’autres pays, le Portugal mériterait un court séjour s’il était plus près de chez nous.

*A ce propos, je me demande pourquoi nous sommes allés si loin chercher notre anticyclone. Si on en avait installé un en Bretagne on ne serait pas obligé de l’emprunter aux portugais qui ne nous le prêtent qu’à regret et nos étés seraient moins pourris.

dimanche 3 août 2014

La vache, animal mystérieux



La vache est une énigme sur quatre pattes. Quoi d’apparemment plus paisible et bonasse que ce bovin ? Que seraient les campagnes normandes sans leur pluie, leurs pommiers et leurs vaches qui broutent, bousent et pissent dessous ?  Or, cet animal,  qui participe si activement à l’établissement d’un climat serein et bucolique, qui est supposé prendre plaisir à contempler le passage des trains quand les cheminots ne sont pas en grève,  doit avoir un côté bien sombre vu que son nom est utilisé dans de nombreuses expressions qui n’ont rien de flatteur quand elles ne sont pas carrément insultantes.

On m’objectera que le cochon (ou porc) connait le même sort vu qu’on le considère comme un glouton, un lubrique et qu’on lui attribue un goût très marqué pour la crasse. Le mouton s’en tire un peu mieux quand on ne lui reproche que son comportement grégaire. Le bouc, en revanche se voit, en dehors de son odeur, accuser d’être une créature du diable. Oies et poule sont, elles, réputées stupides (et elles le sont, les bougresses !) Mais ces animaux ne sont pas par ailleurs érigés en symboles de paix campagnarde souvent présentes sur des cartes postales où les autres animaux de la ferme sont rares ou absents.

Bien que très commun, ce ruminant est invoqué quand on assiste à un spectacle inouï « Ah la vache ! Quel beau cul sourire ! » s’écrie l’esthète surpris par tant de joliesse.  La « peau de vache », n’est pas qu’un cuir, elle désigne aussi une personne particulièrement mauvaise. « Mort aux vaches ! » proclame l’anarchiste. Dans le cas fort improbable où quelque aliéné traiterait  notre charmante garde des sceaux de « vieille vache », on ne le poursuivrait pas pour racisme mais pour irrespect et point ne serait besoin qu’on en saisisse le tribunal de Cayenne. Quant à « l’amour vache », ne désigne-t-il pas une relation où l’on échange plus de coups que de caresses ?   

Comment concilier l’image d’un paisible ruminant et ces expressions disgracieuses ? Son  côté débonnaire serait-il affecté ? Cacherait-il une nature foncièrement mauvaise ?  J’avoue ne pas savoir qu’en dire. Cependant, la présence d’une ferme dans mon immédiat voisinage me permet d’observer une spécialiste de la bête et le comportement qu’elle lui inspire. Arlette doit avoir une bonne cinquantaine d’années de fréquentation assidue du bovin en question. On peut donc lui en supposer une profonde connaissance. Je la vois passer chaque matin et chaque soir, grimpée sur son vélo tandis qu’elle convoie son troupeau vers un pré ou qu’elle l’en ramène. Eh bien force est de constater que le comportement de ses laitières met cette brave femme dans un état de rage folle. Avec pour conséquence un nombre de « nom de Dieu !», de « saloperie ! » de « merde ! » et de jurons divers au kilomètre à faire pâlir d’envie le plus rude des charretiers.  Ces gracieusetés s’accompagnent de force coups de bâton sur l’échine des indisciplinées.  Je n’ai jamais entendu cette habituellement gente, quoiqu’un peu rustre, dame traiter de la sorte son brave homme de mari ou ses enfants. Il doit donc exister  de solides raisons à son ire.

Ma notion de ce que pourrait être un comportement acceptable de la part de ses vaches étant très floue, je ne peux décider de la manière dont elles s’en éloignent. Il m’est arrivé de penser que le fait que certaines se mettent à bouffer ma haie au passage infligeant à celle-ci de graves dommages serait une des raisons de sa colère. Mais il n’en est rien : elle n’intervient que quand la ou les vandales saccagent mes arbustes en ma présence. Quand elle ne m’a pas vu, elles peuvent brouter tout leur saoul à condition de ne pas trop retarder l’avancée du troupeau.

La vache (je parle ici de l’animal et non d’Arlette) reste donc pour moi une énigme.

vendredi 1 août 2014

Et si on parlait un peu d’apocalypse ?




Le spectacle du monde est désolant. Notre civilisation, du moins ce qu’il en reste, s’effondre tandis qu’un peu partout dans le monde on s’égorge, s’étripe, se missilise, se kalachnikofe  avec ardeur. Tout ça va très mal finir. La troisième guerre mondiale est pour demain (en admettant, comme font certains aveugles, qu’elle n’ait déjà commencé). Et celle-là, elle sera gratinée ! A côté d’elle, les deux précédentes prendront des allures de première répétition théâtrale du patronage de Vazy-en-Berrouette comparée à la première d’une superproduction du Chatelet. L’humanité et le reste rayés de la carte. Un spectacle à vous faire passer La Route de Cormac Mc Carthy pour une  guimauve Disneyenne. Avec en prime plus aucun spectateur pour le déplorer.

C’est du moins l’impression qu’on retire à lire les nombreux apocalypsistes qui répandent leurs lamentos sur la toile et ailleurs. Ça me remémore une conversation que j’eus avec M. S., un bon professeur qui me tint lieu de maître à penser du temps où je croyais qu’il en existait. En substance, il m’avait déclaré qu’en regardant le monde qui nous entoure on avait l’impression d’être dans un foutu merdier mais qu’en étudiant l’histoire on s’apercevait que ç’avait toujours été un foutu merdier. Truisme ? Certes. Mais les truismes compensent en vérité ce qui leur manque en originalité.  Il y a bien longtemps que je ne crois plus au « bon vieux temps ».  Pas plus qu’en un avenir radieux. L’ « histoire des hommes » suit son petit bonhomme de chemin avec ses moments de conflits et de massacres dont l’ampleur est limitée par les moyens dont on dispose, ses périodes de répit, de paix même, de prospérité, de misère… Je préfère « histoire des hommes » à « humanité », car cette supposée humanité à laquelle nous aurions conscience d’appartenir me paraît une totale illusion. Si elle existait, si nous voyions les autres comme d’autres nous-mêmes et réciproquement, il n’y aurait pas plus de conflits aujourd’hui qu’il n’y en aurait eu avant. Il y a des groupes d’hommes qu’ils soient nationaux, sociaux, tribaux ou partisans qui considèrent ceux qui ne sont pas de leur côté au mieux comme des adversaires à vaincre, au pire comme des monstres à éradiquer. Ce n’est pas très gai comme vision mais tant que l’histoire ne viendra pas me démentir, je m’y tiendrai.

Revenons-en à cette jolie  apocalypse qu’on nous dit imminente. De deux choses l’une : soit elle sera totale, débarrassant une bonne fois pour toutes la terre comme les mers de notre espèce (et dans la foulée, si possible, de toutes les autres qui les encombrent)  soit elle sera partielle. Dans ce dernier cas : nihil novi sub sole. Tout ce qu’on peut espérer c’est être de ceux qui en réchappent et qui continuent de vivre dans un monde pas trop cul-par-dessus-tête. Dans l’autre hypothèse, s’il ne reste personne pour en souffrir on ne peut pas parler vraiment de malheur.  Du coup, j’ai du mal à m’en inquiéter et tends à considérer ceux que ça affole comme ces enfants qui jouent à se faire peur.  Qui vivra verra, le pire n’est jamais garanti et tout ça. 

Ma quotidienne livraison du truismes me semblant assurée, je vais quand même récolter  des haricots verts et en congeler une partie juste au cas où je serais encore là pour les consommer la saison froide venue.

jeudi 31 juillet 2014

La Hollande



Mises au point préliminaires :

  1. Ne prenez pas ce titre pour une insinuation concernant les mœurs  de notre cher président qui, comme il l'a prouvé,  n’est pas une grande folle mais un petit hétéro.    
  2. En tant qu’éminent géographe, je sais parfaitement que le véritable nom de cet état est Pays-Bas (probablement pour que le voyageur distrait ne le confonde pas avec les Highlands d’Écosse, ce qui est une précaution inutile vu qu’un simple coup d’œil à leurs vaches respectives rend la confusion impossible). Seulement, si à mon âge on ne peut pas se livrer au double plaisir de la synecdoque et de l’erreur commune, à quoi bon vivre ?


La Hollande, donc, est un pays bien plat sauf quand il bordaille l’est  de la Belgique. Un quart de son territoire se trouve même sous le niveau de la mer laquelle n’est pourtant déjà pas bien haute. Et ça ne va pas sans poser de problèmes car tout au long de l’histoire ce pays connut de nombreuses submersions catastrophiques ce qui explique que le costume national comporte un masque, un tuba et des palmes. Les terres perdues furent patiemment reconquises en les asséchant à l’aide de pompes mues par des moulins. On appelle ça des polders. On les protège par des digues. Qui se brisent de temps à autres. Alors on recommence, car on est têtu en Hollande. Du coup, à part le Rhin qui va se jeter dans la Mer du Nord vers  Rotterdam, on évite soigneusement d’y avoir des fleuves qui vous transformeraient les polders en lacs. Avec ses 41 000 km carrés, il est plus grand que son voisin belge mais ce n’est qu’une bien maigre consolation. Cela n’empêche pas les Hollandais d’y vivre en nombre. Ils sont 17 millions à s’y marcher sur les pieds où à s’y rouler dessus à vélo.

L’histoire de ce pays est longue et complexe. Nous n’en évoquerons donc que les faits les plus marquants. Après la colonisation par Rome, alors que Belges, Frisons, Francs, Saxons et Bataves le peuplaient, il fallut attendre Charlemagne pour qu’il retrouve un semblant d’unité. Lors du traité de Verdun, il fut attribué à Lothaire mais après avoir connu les invasions normandes se retrouva rattaché au Saint Empire Romain Germanique puis tomba dans l’escarcelle bourguignonne avant de devenir espagnol par héritage. Vu qu’ils n’avaient qu’un goût modéré pour la corrida et que la paëlla leur donnait des aigreurs d’estomac, les Hollandais se révoltèrent et après quatre-vingts ans de guerre obtinrent leur indépendance. S’ensuivit une époque de grande prospérité, de conquêtes coloniales jusqu’à ce qu’un corse vint y établir la République Batave qu’il transforma en Royaume de Hollande sur le trône duquel il installa un sien frère avant de se raviser et d’annexer le pays à l’Empire. En 1815, fut créé le Royaume des Pays-Bas qui rassemblait ce qu’on nomme aujourd’hui le Bénélux. Son souverain fut Guillaume d’Orange et ce sont ses descendants qui y règnent encore. Hélas, dès 1830  les Belges se révoltèrent, devinrent indépendants et furent ensuite suivis, comme nous l’avons vu  par les Luxembourgeois. Plus récemment, la Hollande fut, comme tout pays qui se respecte envahie par les Allemands et perdit son empire colonial. Et nous voilà ce soir…

La Hollande est un pays prospère. On y cultive la tulipe et la tomate. On y élève de grosses vaches, nommées Holstein qui donnent d’énormes quantités d’un lait de qualité discutable avec lequel les Hollandais, toujours âpres au gain, plutôt que de le donner aux cochons, font des fromages insipides qu’ils essaient de nous refiler en se faisant passer pour « l’autre pays du fromage ». A part ça, on note une importante industrie chimique, pétrolière et électrique. La vente de cannabis y est tolérée et cela attire de nombreux clients venus des pays voisins*. Bref tout y est bon pour faire des sous.

Les Hollandais parlent ce patois germanique infâme nommé néerlandais que nous avons déjà rencontré en Belgique. Au niveau des loisirs, sous prétexte de vacances, ils viennent créer des encombrements sur nos routes secondaires avec leurs caravanes, ce qui les fait partir d’un rire gras qui révèle, si nécessaire, la profonde méchanceté de leur nature. Très soigneux, le Hollandais place ses filles dans des vitrines afin d’éviter qu’elles ne prennent la poussière. La Hollande a donné au monde de nombreux peintres et pas seulement en bâtiment (en fait, toujours pingres, après avoir fini de repeindre leurs façades de couleurs vives et afin de ne pas gâcher la marchandise, ils utilisaient les restes sur des toiles). Nous nommerons Vermeer (de Delft), Rubens, Rembrandt, Jérôme Bosh qui en plus de porter des noms rigolos peignaient des petits mickeys tout à fait acceptables et en couleurs. Plus près de nous, nous signalerons M. Vincent Van Gogh qui, tout empreint de tradition tauromachique espagnole avait, suite à une partie de jambes en l’air particulièrement réussie, tenu à offrir à sa partenaire une oreille (pour la queue, c’était déjà fait). En dehors de son aficion, il peignit des tableaux qui se vendent très bien aujourd’hui. Cela mis à part, la contribution hollandaise à la culture mondiale est absolument négligeable. Une dernière précision : amoureux de leur monarchie qui entre 1890 et 2013 eut à sa tête une souveraine, les Hollandais ont développé une passion inconditionnelle pour la petite reine, que, faute de mieux, ils chevauchent avec enthousiasme.

Si vous aimez fumer du cannabis, la soupe à l’oignon de tulipe, voir dans le port d’Amsterdam des marins qui boivent et qui boivent et reboivent et qui reboivent encore (vous parlez d’un spectacle !), le Gouda et l’Edam, les paysages sans relief et les patois dissonants, vous pourriez à la rigueur envisager de passer quelques heures dans ce pays dont on a vite fait le tour. Cependant, vu que ce blog est lu par des esthètes, je doute qu’aucun d’entre vous ne soit tenté par telle mésaventure.

*Notons à ce propos que la demande de certaines cités sensibles du  9-3 d’être rattachées aux Royaume des Pays-Bas n’a jusqu’ici mené à rien.

mercredi 30 juillet 2014

Un été avec Baudelaire ?



En ce moment, un peu avant huit heures, sur la RSC™, on nous offre le temps d’un été l’occasion de passer quelques instants en compagnie de Baudelaire. Vu qu’à cette heure je finis généralement mon bol de café au lait en remplissant une grille de mots croisés de Michel Laclos, l’oreille que je lui prête est un brin distraite. Surtout que l’idée de passer un été avec ce pauvre Charles ne me dit rien qui vaille.

Comme tout adolescent, j’ai ressenti un choc à la découverte de ses Fleurs du mal. Et c’est bien naturel pour un jeune qui, étouffant dans une famille micro-bourgeoise et ultra catholique, trouve dans les livres une porte de secours donnant sur les étoiles. Comme le disait si bien Arthur, on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans (à moins qu’on ne le soit trop) : on rêve plus qu’on ne vit, on se fait des films, on se voit romantique, héroïque, passionné. On s’imaginerait même du talent… On se sent Nerval de banlieue, Rimbaud en vadrouille, tel un albatros rongé de spleen, on est à l’aise dans sa vie comme une grenouille dans une meule de paille. Et puis, le Charles, il habille d’une forme superbe ce fond qu’on s’imagine partager…

Seulement, le temps passe, inéluctable. On ne va pas rester ado à jamais, vu qu’on n’est pas poète. Il y a un temps pour chaque chose comme dit l’Ecclésiaste. On se construit une vie, pas plus vraie que celle des livres, souvent moins haute en couleur, on se trouve un Harar de pacotille où on mène ses petites affaires. Comme Rimbaud, on oublie les poètes ou plutôt, on en conserve un vague souvenir. Ils sont toujours là, comme des papillons épinglés dans leur boîte, morts mais gardant leur éclat. Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Nerval  chatoient sur leur fond de liège, le top de la collection ! Et puis dans d’autres boites Lamartine, Vigny, Hugo, La Fontaine, du Bellay, Ronsard, Marot, Villon, jusqu’à Rutebeuf et quelques moindres seigneurs continuent de charmer. Tout est bien rangé, comme un service de table à fleurs qui ne sert plus mais qu’on garde Dieu sait pourquoi.

Et puis voila que le transistor vous raconte Baudelaire. On se met à y repenser et le constat est triste. On se fout bien de savoir que le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis ou qu’exilé sur le sol au milieu des huées les ailes de l’albatros l’empêchent de marcher. On n’est pas mort à quarante-six ans après une vie somme toute assez triste. On n’a plus le temps de s’ennuyer. Les ailes de géant, dans une crise de lucidité, on se les est coupées (si tant est qu’on en ait jamais eu) et depuis on n’en marche que mieux. On se fait vieux. Et puis surtout, on est heureux, autant qu’on saurait l’être. Alors un été avec ce joyeux drille de Baudelaire, on laisse cela aux esthètes amateurs de délectation morose et on va cueillir ses haricots…