Parmi les nombreuses questions fondamentales que peu de gens
se posent, celle de savoir s’il y avait des petits pois dans le jardin d’Éden
occupe dans les esprits réellement avides de connaissance une place de choix.
Cependant c’est en vain que l’on y chercherait dans quelque docte ouvrage une
réponse satisfaisante. Un début de réponse est apporté par le chapitre 2 de la
genèse : il n’y est nulle part question de pois mais plutôt d’arbres dont
Adam pourra consommer les fruits à l’exception de celui de la connaissance du
bien et du mal. Bien évidemment, Ève, séduite par le serpent en consommera et
poussera son malheureux époux à faire de même avec pour conséquence leur expulsion du jardin
et l’obligation de travailler la terre pour se nourrir.
Certains argueront qu’il n’est fait mention d’aucun légume
dans ce chapitre et que par conséquent la présence du petit pois n’a aucune
raison d’y être signalée. Soit. Toutefois la logique milite en faveur de
l’absence de cette légumineuse qui aurait plutôt sa place à l’Est du jardin.
Tout d’abord, en leur première innocence, Adam et Ève se
promenaient au jardin dans le plus simple appareil. Ce fait semble indiquer
qu’il y régnait un climat d’une grande douceur. De plus, il n’est nulle part
indiqué que nos premiers ancêtres aient été équipés de parapluies. On peut donc
en conclure que le climat était plutôt sec (les quatre fleuves du jardin
assurant la pérennité des arbres). Or le petit pois aime fraîcheur et pluie. Le
jardin d’Éden ne lui aurait donc pas convenu.
D’autre part, Adam et Ève, essentiellement fructivores, se
nourrissaient de cueillette, attrapant de-ci-de-là un fruit quand ils ne
tapaient pas la discute avec le serpent. Vie rêvée et nonchalante ! Or,
pour se nourrir de petits pois, il faut non seulement les cueillir mais ensuite
les écosser. Leur cueillette n’est pas une mince affaire, car, comme son cousin le haricot vert, sa couleur
lui permet de se dissimuler habilement dans le feuillage qui l’entoure.
Facilité dont il abuse trop souvent, tout jardinier sincère vous le
confirmera. C’est au moment de l’écosser
que le pois révèle sa triste nature : plus d’une heure d’un labeur ingrat
autant que répétitif est nécessaire à l’obtention d’un seul kilo de légumes
écossés. Sans compter qu’il faut ensuite les cuire.
Pour ces deux raisons, force est de constater que le petit
pois n’avait aucunement sa place au jardin d’Éden. En revanche, à son Est, là
où le climat est plus rude comme semble l’indiquer la confection
par Dieu de vêtements de peau afin de protéger Adam et Ève de ses
rigueurs avant qu’il ne les y bannisse, et ou l’homme gagne son pain à la sueur
de son front la présence de cette aberration de la nature n’a rien d’étonnant
et même participe de la malédiction originelle.
Je mets quiconque au défi de démonter mon argumentation.
N.B. : Ceux qui verraient dans cette démonstration je
ne sais quelle aigreur provoquée par une récolte surabondante de petits pois et
non le simple résultat d’une méditation profonde feraient montre d’une
petitesse d’esprit que je condamne à l’avance.