« Vous fumez,
vous buvez trop d'alcool, vous êtes bavard, vous êtes exhibitionniste, vous
méprisez vos proches et vous vous livrez en permanence à la contemplation
bienveillante de vos propres travers, bref vous êtes un blogueur masculin
banalement standard. »
Voilà le commentaire dont me gratifia Au potager hier. Je ne
sais pas pourquoi mais quelque chose me dit que l’auteur de cette louange se
dissimule derrière un pseudonyme. Quant à son sexe, j’avoue que la fin de sa
phrase m’avait fait penser qu’il devait être féminin. Un second commentaire m’en
fit d’abord douter :
« Cher Monsieur,
quand autrui s'expose de façon aussi obscène, je l'encule et je prie pour que
ses proches n'en voient rien ! »
Dans un deuxième
temps, je me dis qu’à notre époque moderne, grâce à l’utilisation de ces harnais qu’on trouvera bientôt dans toutes les
supérettes de France, une telle déclaration pouvait émaner d’une femme.
Hier après midi, tandis que j’arrachai plants de tomates, d’aubergine,
de poivrons et de courgettes sous ma serre avant d’en
labourer la terre je me pris à réfléchir au message de ce correspondant (Je
suis capable de bêcher, passer le croc puis le râteau tout en pensant !).
Ce n’est pas la première fois qu’une personne (que je soupçonne d’être toujours
la même, sous divers pseudos) m’adresse ce genre de reproches. Qu’ils soient stupides et complètement inadaptés n’est pas la question. La vraie question
est de savoir ce qu’il est décent ou non d’évoquer dans un blog.
On peut y parler de toutes sortes de choses de la pluie, du
beau temps, de Holzy, de Sarkolande, des variations du prix du beurre en
Mongolie extérieure, des avantages comparés de la marche à pied, des bretelles
et du mariage pour tous, des mœurs honteuses du raton-laveur ou des traités
philosophiques de Pauline Carton. Mais peut-on y parler de soi ?
Je pense que oui, à certaines conditions. Il ne s’agit aucunement d’étaler dans toute
leur complexité les méandres de ma personnalité,
si chatoyante soit-elle. D’abord ça n’intéresserait personne, ensuite j’écris
pour me distraire et dans l’espoir de divertir.
Aussi, s’il m’arrive jamais d’évoquer tel ou tel épisode un rien délicat de mon
existence, le ferai-je avec distance et auto-dérision. C’est la seule solution,
me semble-t-il. Même si peu à peu s’esquisse une sorte d’autobiographie, celle-ci
ne saurait être sincère et exacte. Comment un sexagénaire pourrait-il ressusciter
ses émotions d’adolescent ou d’homme
jeune ? Quel intérêt y aurait-il à tout
révéler de soi et des autres ? En admettant qu’il soit possible que ce
passé reconstruit le soit avec honnêteté, il n’en serait pas pour autant vrai. « Il y a plusieurs manières de raconter
l’histoire » disait le brave Henri Vincenot. Le problème, c’est qu’elles sont toutes
fausses, partiales ou partielles.
Quand j’évoque telle ou telle personne le pire que je m’autorise
est d’en critiquer les travers avec une légèreté bon enfant. Rien qui puisse la gêner au cas improbable où elle me lirait.
Quoi qu’en pensent tous les Au potager du monde et de sa banlieue,
je continuerai donc à raconter, sur un ton que j’espère enjoué, de menues historiettes.
Elle (ou il) n’est aucunement contraint de me fréquenter. Avantage que j’aimerais
parfois partager.