..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

dimanche 13 novembre 2011

Les paysans ? Ils ne pensent qu'à s'amuser !



Tout près de chez moi vit un ménage de paysans. J'ai bien dit de paysans. Pas d'agriculteurs ou d'exploitants agricoles. La différence ? Elle est partout. L'exploitant agricole, c'est un chef d'entreprise, un œil sur le cours des matières premières agricoles l'autre sur ses courbes de production. Il est informatisé et passe plus de temps sur le net qu'au cul de ses vaches. Le paysan, lui, ne pense qu'à s'amuser.

Ceux d'à côté de chez moi, je les observe du coin de l’œil, mine de rien. Ils sont beaux bien que plus très jeunes. Bien entendu l'homme porte la casquette, une belle cotte de travail verte et est chaussé de bottes. La femme, elle n'a pas de casquette mais est dûment bottée et porte une blouse. Ils ont une gamine qui doit aller au collège et leurs aînés, fille et garçon, ont quitté le nid familial. Leur maison est grande. Le jardin fleuri. Ils ne sont pas très causants. Quand on se voit, c'est juste bonjour-bonsoir voire un simple signe de la main quand ils passent en tracteur. Bref de parfaits voisins.

Mais qu'ils sont joueurs ! Leur principale facétie consiste à embourber la route. Pas simplement y laisser quelques mottes de terre arrachées aux champs par les roues du tracteur, non : l'embourbage est conséquent, systématique, profus. Au point que ma fille, la première fois qu'elle est venue, a cru que son GPS déconnait et l'avait amenée dans une cour de ferme alors qu'une fois passé la portion qu'ils occupent de part et d'autre de celle-ci la route redevient route. Ce mélange de boue et de bouse rend inutile tout lavage de voiture puisqu'au premier passage on se retrouve aussi crotté que devant. 

En fait, ils passent leur temps à jouer. Tout leur est prétexte à faire un tour de tracteur : charrier du fumier, transporter de l'engrais, du foin, du bois. Je les soupçonne même de faire des tours à vide, juste pour rigoler.

Un des jeux favoris de la femme, c'est d'aller promener les vaches. Tous les matins, à neuf heures, elle les emmène gambader au pré. Le soir, elle les ramène à l'étable. A 6 heures l'été. Avant la tombée de la nuit en hiver. C'est amusant comme tout. Pour ça, on sort le chien, qui fait le pitre autour des vaches tandis que la paysanne, à vélo et munie d'un bâton,  leur gueule dessus et jure à faire rougir le charretier le plus endurci. Bien entendu, pas question d'avoir quelqu'un devant pour prévenir les éventuels automobilistes de l'arrivée du troupeau. Il faut dire qu'après avoir failli aller dans le décor en traversant le cloaque sus-mentionné, le conducteur le plus pressé reste sur ses gardes.

Il ne faut pas croire que leurs jeux se limitent aux vaches et au tracteur. Loin de là : ils jouent aussi à couper du bois égayant nos oreilles de la plainte stridente de la scie des jours entiers, ils s'amusent à élaguer les pommiers dont ils brûlent les rameaux inutiles en de grands feux de joie, ils jardinent, labourent, hersent, épandent le fumier...

Amis des animaux, ils en ont par dizaines, peut-être même centaines : poules, oies, pintades, lapins, chats même, et bien entendu chiens. Tout ça fait un raffut du diable.

C'est bien simple : ils n'arrêtent pas de s'amuser,  du matin au soir, sept jours sur sept. A l'exception du mardi matin ou comme tout un chacun ils vont faire leur petit tour au marché, vêtu de leurs plus beaux atours.

Quelle belle vie ! Qui peut se vanter, des décennies durant, de s'être autant diverti ? Il y a fort à parier que leurs parents avant eux, un cheval remplaçant le tracteur, avaient menée, à un rythme plus lent, la même vie. 

Leurs enfants feront-ils de même ou bien le fils, s'il reprend les terres, deviendra-t-il un exploitant agricole qui nettoiera la route, agrandira le troupeau, mettra fin à la quasi-autarcie et s'endettera jusqu'au naufrage ? Ce serait dans l'ordre des choses : on arrête pas le progrès.

samedi 12 novembre 2011

La longévité ? Bof...





S’il est une chose qui a la cote dans notre société, c’est bien la longévité. Avec l’argent, évidemment, mais ça c’est vieux comme le monde. La longévité, c’est plus moderne. J’entendais même récemment à la radio, suite à je-ne-sais-quelle découverte sur le rajeunissement des cellules, quelqu’un envisager la fin du vieillissement, la jeunesse éternelle, l’immortalité en quelque sorte.  A condition, évidemment, d’éviter de se faire rouler dessus par un bus, poignarder à 247 ans en sortant de boîte par un mari jaloux, de recevoir sur la tête un mouton tombé du balcon du quinzième étage ou de se voir buter par un tueur aux gages d’héritiers impatients.  En voilà une chose qu’elle serait bien ! D’un autre côté, ça pourrait poser des problèmes aux caisses de retraite si on ne relevait pas l’âge de départ. Mais ne pinaillons pas.

D’où nous vient cette curieuse envie de vivre vieux ? Le bon Alphonse Allais regrettait que l’allongement de la vie se fasse par le mauvais bout. Car vivre longtemps signifie être vieux longtemps.  Evidemment, on s’imagine vieux et gaillard, du genre à faire du parapente,  à courir le guilledou, à en remontrer à ces faignasses  de jeunes.  Pas du tout décati, bourré de rhumatismes  et d’arthrose. D’ailleurs on ne vous montre que des vieillard(e)s sémillant(e)s, agités comme des queues de chien par une énergie indomptable.  Il faut bien entretenir la foi.  Le vieux, la vieille pas présentables, on nous les cache. C’est de bonne guerre.

Je peux me tromper, mais j’ai l’impression que l’amour de la longévité découle à la fois du progrès de la médecine (que l’on souhaite infini) et de la baisse du sentiment religieux : ne croyant plus à une vie éternelle dans l’au-delà, on se contenterait d’une longue, TRES longue vie. Un lot de consolation, en quelque sorte.  Curieusement l’idée  n’est pas si nouvelle : en atteste l’âge incroyable atteint par les patriarches. Comme si passer des siècles à promener son troupeau dans un quasi-désert était sort enviable.  Peut-être en rêvait-on vaguement, comme on s’imagine parfois voler de ses propres  ailes, au sens propre. Mais ça s’arrêtait là. Ce qui est récent, c’est  la quasi-exigence chez nos contemporains de devenir au moins nonagénaires, et en pétant le feu, s’il vous plaît.  J’ai souvent entendu des vieux plutôt caducs s’écrier à l’annonce d’une mort « Quatre-vingts ans, c’est jeune ! ». Tu parles que c’est jeune, quatre-vingts ans ! C’est tout juste si à cet âge, quand tu vas acheter des clopes ou une bouteille de whisky  on ne te demande pas ta carte d’identité !

Même en admettant que les progrès de la médecine nous permettent de vivre très vieux en bonne santé, il y a un petit hic à ce projet d’égaler  Mathusalem :  on est le produit d’une époque et le monde change.  On n’y peut rien. Prenez par exemple Stéphane Hessel : i l a des solutions, des idées nouvelles. Enfin qui étaient plus ou moins nouvelles quand il était fringuant jeune homme il y a soixante et quelques années…

Vous vous imaginez ce que ça donnerait aujourd’hui, une personne de 120 ans, née en  1891, même pas gâteuse, élevée dans l’esprit de la revanche contre les fridolins, ayant de justesse raté la Grande Guerre, déjà trop vieux en trente-neuf ? Surtout s’il avait été élevé par des réacs ? Vous croyez qu’il irait applaudir la gay-pride ?

On m’objectera qu’on peut se tenir au courant, vivre avec son temps. Mouais… Je fais souvent  le test de demander à mes congénères de me citer une belle actrice de cinéma. A tous les coups j’ai droit à la Brigitte, à la Sofia ou à la Marylin. Quand je les presse de trouver quelqu’un d’un rien plus actuel, j’obtiens Adjani, une gamine de 56 ans… C’est comme ça : on garde les admirations de sa jeunesse.  Parce qu’elles sont plus fortes. En littérature même : on peut généralement déterminer l’âge approximatif d’un lecteur en parcourant les titres de sa bibliothèque.

Qu’on le veuille ou non, on appartient à une époque et on finit fatalement par devenir  un vieux con, un quasi-fossile encroûté dans  des goûts et des valeurs périmées. Quel serait l’intérêt de vivre dans un monde qu’on ne comprend plus et qui ne vous tolère que dans le rôle du vieux schnock ?

La longévité est un rêve d'inconscient.

vendredi 11 novembre 2011

A la barre à mine !



Je me suis initié, ces derniers temps, au maniement de la barre à mine. Outil redoutable et efficace. Je voulais implanter une haie le long de la clôture qui me sépare du voisin. Pour vivre heureux, vivons cachés.Seulement, ce n'était pas évident : le fermier qui m'a précédé en ces lieux avait, comme c'est souvent le cas, un tracteur. Il faut bien que ces gens-là s'amusent ! Pour meubler ses nombreux loisirs, il s'adonnait aux joies simples du ramassage scolaire et garait le car à la maison. Homme pratique, plutôt que de régulièrement s'embourber dans la bouillasse quand par malheur la pluie détrempe les sols, il avait empierré la passage. Sage précaution car les précipitations ne sont pas si rares dans nos vertes collines.

Sage précaution, certes, mais quand on a une haie à planter dans un terrain empierré, on se prend à regretter de ne pas avoir été précédé par un insoucieux. Comment creuser une tranchée dans un sol qui, attaqué à la pioche, n'en semble pas plus affecté que ça ? 

Il y a bien le marteau-piqueur. C'est de ce délicat instrument que j'avais usé l'an dernier pour installer ma clôture. J'en ai gardé de longs mois un souvenir douloureux : sa pointe s'étant coincée entre des cailloux dans le trou que je perçais, j'entrepris, pour l'en extraire de le faire basculer latéralement. Ces mouvements finirent par atteindre leur but mais de manière un peu brutale : d'un seul coup, la pointe se dégagea et, entraîné par l'élan que je lui avais imprimé, le corps du lourd outil vint violemment frapper le côté interne de mon genou droit me causant une violente douleur et me contraignant plusieurs mois durant à claudiquer en m'aidant d'une canne. Peu rancunier, je demandai pourtant au voisin de me prêter le sien. Évidemment, il l'avait prêté à un autre. Ainsi sont les voisins. En acheter un ?  Le louer ? Coûteux, tout ça... 

C'est alors que la barre à mine m'apparut comme une solution. On ne pense que trop rarement à cet outil. Vous qui me lisez, pouvez-vous sans mentir m'affirmer y songer souvent ? Homme d'action autant que de réflexion, je me rendis donc sans délai  au Magasin Vert le plus proche pour en faire l'emplette. Ils en avaient une ! Elle était belle, peinte en bleu. 

Je pus donc commencer ma tranchée. Dire que ce fut une partie de plaisir, ces quarante mètres à creuser, serait exagéré. Mais à raison de quelques heures de maniement par jour, j'en vins à bout. Avec un minimum d'énergie et de constance, les résultats sont là. En la maniant, je me disais que cette barre pouvait constituer une arme redoutable entre des mains rompues à son usage. Si on peut de sa pointe faire éclater le granite, quels dommages n'infligerait-elle pas à un malotru ? J'en vins à imaginer que l'on pourrait très bien, plutôt que de s'user en vaines polémiques, régler ses différends par un duel à la barre, l'offensé ayant droit à un coup franc. Combien de vaines disputes seraient ainsi évitées ? On y regarderait à deux fois avant d'offenser...

Depuis, je rêve d'un monde apaisé et serein où les conflits se règleraient à coups de barre à mine.

jeudi 10 novembre 2011

C'est la crise !



J'entendais, hier, à la télé un journaliste déclarer sans rire que, crise oblige, les français regardaient à la dépense et étaient contraints de faire des choix. Ce qui voudrait dire qu'en période de non-crise, ils ne seraient pas contraints à ces mesquines prudences. 

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi ça a toujours dû être la crise. Quel qu'ait été mon niveau de ressources, et il a amplement varié le bougre, il m'a toujours fallu regarder à la dépense et faire des choix. J'aurais bien aimé connaître ces périodes bénies ou l'on dépense sans compter et où l'on s'offre toutes ses fantaisies. 

Seulement, ça n'a jamais dû exister nulle part à aucune époque. Même les plus riches sont contraints de rester dans les limites de leur fortune. Je ne dis pas que Bill Gates soit contraint de choisir entre se payer un Big Mac et aller au cinéma. Il peut s'offrir les deux. Il est également en mesure de s'acheter la salle de cinéma et le restaurant Mc Do afin d'y être plus tranquille. Mais ça s'arrête vite... Vu qu'il est philanthrope comme un malade, s'il voulait effacer toute la misère du monde ce ne sont pas ses quelques malheureuses dizaines de milliards de dollars qui le lui permettraient... Même pas foutu de racheter la dette grecque, qu'il serait, c'est dire !

Pour être plus exact, le journaliste devrait dire que, vu la crise, les gens ont tendance a y regarder un peu plus que si nous jouissions d'une croissance forte. Dire que la crise n'est pas responsable de tout, qu'elle n'affecte, au moins pour le moment, en France,  que marginalement la plupart des gens, ce serait désespérant. En effet, reconnaître cela voudrait dire que la sortie de crise tant attendue ne changerait rien de fondamental. Les politiciens ne pourraient pas nous promettre un changement radical. Les indignés passeraient pour des cons. On aurait même du mal à regretter le bon temps d'avant, quand, soi-disant,  on vivait au pays de cocagne.

Dieu merci, du plus loin que je me souvienne, et ça commence à faire un bout de temps, je n'ai jamais connu d'époque où nous n'étions pas en crise. Du moins selon certains...




mercredi 9 novembre 2011

Pour un droit à la casquette (plate).



Quand j'étais jeune, il y a très longtemps, les vieux portaient des casquettes et les jeunes allaient tête nue. Entendons-nous bien : quand je parle de casquette, je ne parle pas de celle qu'arborent les djeuns d'aujourd'hui, ce produit d'importation qui met une touche finale à la toilette de l'ado, mais de la vraie, la plate.

Vu leur grand âge, je me disais alors qu'un temps viendrait où les vieux à casquettes s'éteindraient d'eux-mêmes comme de vulgaires dodos. Eh bien, il n'en est rien. Me voici entré dans le troisième âge et le vieillard casquetté est toujours là, pas plus fringuant que jadis, mais solide au poste. Et pourtant ça ne peut pas être les mêmes. Le vieux à casquette avait, en mon jeune âge, au moins soixante-soixante-dix ans. Ce qui l'amènerait maintenant à dépasser allègrement la centaine. Je sais, la vie s'allonge mais à ce point...

Donc, d'une manière ou d'une autre le vieux à casquette se perpétue. Pourtant il ne se reproduit pas. La fable selon laquelle dans certaines maternités spéciales naîtraient des vieillards tout encasquettés ne tient pas. 

Reste à savoir si, avec le temps, la casquette vient à l'homme ou si c'est l'homme qui vient à la casquette. C'est bien entendu la deuxième option qui s'impose. Son port fait suite à un achat ou à un vol. Plus généralement à un achat, vu que l'arthrose du casquettophile le dissuade généralement de pratiquer le vol à la tire. Trop risqué. 

Jasper Carrot, comique britannique, disait que l'âge mûr commençait quand, en passant devant un magasin  spécialisé dans le vêtement classique, on se disait : "Pas mal ce cardigan!" Il faut croire que la vieillesse débute quand on ressent l'impérieux besoin de s'acheter une casquette. La calvitie joue probablement un rôle dans cette addiction mais ne nous y trompons pas : certains chevelus la partagent.


L'autre jour, au marché, devant le nombre de vieux encasquettés j'en suis venu à me demander si la casquette ne serait pas, en fait, obligatoire. Du coup, je me suis senti mal à l'aise, comme pas en règle.C'est ainsi que m'est venue l'idée du droit à la casquette : à un âge déterminé par la loi, tout français l'obtiendrait. Moyennant une infime cotisation, il acquerrait,sa vie active durant, des points, qui, l'âge venu et en fonction de la hauteur de ses contributions, lui donnerait droit à une casquette plate plus ou moins luxueuse et renouvelable annuellement. Il n'y aurait pas d'âge limite. On pourrait même renoncer, par coquetterie à cet acquis social. De même, les plus fortunés pourraient anticiper, à leurs frais, l'âge de leur casquette.

A l'heure ou le débat électoral s'enlise, il me semble que les candidats à la magistrature suprême feraient bien de reprendre l'idée.

mardi 8 novembre 2011

De Spinoza à la mouche du coche.



« On reproche souvent à Spinoza de nous avoir privés de la liberté, nous imposant la nécessité des choses.»

J’ai copié/collé cette phrase  chez un « ami » Facebook. Parce que je la trouve du plus haut comique.  

C’est vrai, quand même, ce Spinoza nous fait chier ! Non seulement il nous impose la nécessité des choses mais, non content de cela, il nous prive de la liberté ! Faut quand même pas déconner ! Y’a des limites à l’abus, ou y’en a pas ?  

Personnellement, vu ses crimes, je serais plutôt partisan qu’on le zigouille, et vite fait, ce salopard de Spinoza qui fait rien qu’à nous priver de cette liberté qui, comme nous le savons tous, est notre bien le plus cher.

Bon, je me calme.  

Observons les choses ave un flegme d’immigré. Du genre de celui dont je parlais pas plus tard qu’hier. Qui est ce « nous » ? L’ensemble de l’ « humanité »?  Les êtres humains d’Occident ?  Les lecteurs de Spinoza ? Ou bien simplement  ceux des  potes du philosophe qui écrit ces lignes qui accordent quelque crédit à ses dires ? 

Vous me direz : ce n’est que de la rhétorique. Vous aurez raison. Ce « nous » ne désigne que les lecteurs de Spinoza qui partageraient les vues de son critique tout en prétendant l’étendre à l’humanité toute entière.  En fait, les philosophes n’influencent, au mieux, que ceux qui les lisent, c'est-à-dire bien peu de gens.   

Mais, bougre d’âne,  me rétorquerez-vous, en influençant les élites ils changent par leur truchement la façon de penser des masses que celles-ci mènent vers la lumière (ou les ténèbres, parfois). D’abord, si vous pouviez retrancher le « bougre d’âne » de votre objection, j’en serais ravi. Ensuite, j’exprimerai quelques doutes sur le reste de vos propos.  

Il est de bon ton de penser que ce sont les philosophes des lumières qui ont préparé la révolution de 1789. Il est certain que leurs écrits ont influencé les élites mais une série de récoltes catastrophiques, réduisant bien des familles à la mendicité, dans les années 1780 et la terrible disette suivant le très rigoureux hiver de 1788-1789 ont certainement  eu  plus d’influence sur le déclenchement du processus révolutionnaire. 

De même, la « levée en masse » de 1793 fit peut-être plus pour le développement de la chouannerie que les convictions monarchistes de ses participants. 

Je crains que les penseurs ne fassent qu’ « habiller » idéologiquement  les mouvements qu’ils sont censés avoir initié ou même simplement accompagné. C’est ce que je disais déjà dans un commentaire sur l’excellent blog Ostracisme. 

L’objection d’Aristide comme quoi cette position « historiciste » devrait logiquement mener au silence ne me paraît pas totalement fondée. Celui qui exprime ses idées, tout « mouche du coche » qu’il puisse sembler, joue un rôle. 

Contrairement à ce qu’écrivait La Fontaine l’insecte a son utilité : piquant l’un, piquant l’autre, l’agaçant par son bourdonnement, il ajoute à l’effort des chevaux un rien de rage qui  peut se montrer décisif…

lundi 7 novembre 2011

Conversation avec un immigré




L’autre jour  j’ai contacté un immigré qui a monté une entreprise de rénovation de bâtiment afin qu’il m’établisse un devis pour l’isolation et la réorganisation de l’étage de ma maison.  

 A l’heure dite, il arriva au volant de son fourgon. Il fut étonné que je le salue dans sa langue alors qu’il s’attendait plutôt à un simple « Bonjour ».  Je lui expliquai mes désirs, nous affinâmes les solutions tout en parlant de tout et de rien. 

Je lui demandai depuis combien de temps il vivait en France.  Cela faisait dix ans. Mais ses parents étaient arrivés bien avant, dans un village tout près d’ici… Un immigré de la seconde génération, en quelque sorte. Il avait d’abord travaillé aux Etats-Unis, puis était rentré  au pays. Il travaillait alors soit en France, soit dans sa mère patrie avant de se décider à s’installer chez nous pour de bon. 

Je lui demandai pourquoi il avait pris une telle décision.  Il s’expliqua : ce qui importait pour lui, dans la vie, c’était son foyer, ses enfants. Dans son pays, les écoles ne valaient rien,  c’était un bazar sans nom, tandis qu’ici régnait la discipline, l’ordre, l’efficacité. Ses enfants allaient à l’école, y apprenaient à lire et à écrire en français, ça marchait bien. Et leur mère, ancienne institutrice au pays, se chargeait de leur apprendre la forme écrite de leur langue maternelle. Je m’enquis de savoir si ces enfants étaient dans le privé ou le public. « Dans le public », me répondit-il « à X… ». Je m’en étonnai  car le village de X n’était pas le plus proche de chez lui. Il m’expliqua qu’il ne souhaitait pas qu’ils aillent à l’école de Y pour cette raison qu’il y avait trop d’enfants originaires de son pays, qu’ils  avaient tendance à rester entre eux, à parler leur langue et que cela nuisait à leurs progrès scolaires.

Cette conversation se tint dans la langue de l’immigré que les hasards de la vie m’ont amené à parler couramment. Cette volonté d’intégration, cette préférence affichée pour un pays dont il ne parlait que moyennement l’idiome, ce désir de fuir un pays qu’il juge miné par des politiques irresponsables que nous évoquâmes me touchèrent autant qu’elles m’intriguèrent : ils sont quand même un peu originaux, ces anglais !