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Choisirez-vous de couper un homme en deux ?" demanda le gentil Maître Badinter aux jurés du procès de Patrik Henry, à Troyes, en 1976. Il avait au préalable convoqué quelques experts afin qu'ils leur expliquassent le fonctionnement de la guillotine. Les braves membre du jury, émus, condamnèrent le coupable à la réclusion criminelle à perpétuité.
Couper un homme en deux ! Ce n'est vraiment pas "cool". Un mauvais esprit dirait que c'est plus "sympa" que de le couper en mille morceaux en commençant par les orteils. Ou encore que de le rouer vif avant de l'écarteler à quatre chevaux comme on fit au bon Ravaillac.
N'empêche qu'il fut 'achement habile, le vieux Robert. Il défendait l'indéfendable : un meurtrier d'enfant, indubitablement coupable, et qui avait lui même, avant qu'on ne le confonde, déclaré que le meurtrier mériterait la mort ! Pas évident... Un des principaux arguments des opposants à la peine capitale est son irréversibilité en cas d'innocence. Dans ce cas, plaider l'innocence eût été hasardeux, vu qu'on avait trouvé le cadavre du petit Philippe Bertrand sous le lit du ravisseur et suivant ses indications... Il fallait donc trouver autre chose.
Et Badinter trouva la faille : puisqu'en l'état de la législation la raison aurait voulu que l'on infligeât à M. Henry la peine de mort, il fallait faire appel à l'irrationnel, à l'émotion. Insister sur l'horreur du châtiment, la hisser au même niveau que celle du crime qui l'eût justifié. Avec en plus l'avantage qu'ainsi ce seraient de braves gens, d'honnêtes citoyens et non un criminel endurci qui se trouveraient responsables d'un acte de barbarie.
On peut penser ce qu'on veut de la peine de mort. Personnellement, dans le cas où aucun doute n'est possible et du moment que le crime jugé est particulièrement odieux, je suis pour. Mais là n'est pas la question. Ce qui me choque, dans ce cas, c'est la méthode utilisée pour éviter qu'elle ne s'applique.
Transformer le bourreau en victime, faire naître chez ceux qui sont chargés de le juger un sentiment de culpabilité, susciter leur pitié est une vieille ficelle. Le pire est que, comme les plus anciennes arnaques, elle marche à tous les coups. Prenez le bonneteau, par exemple. Ça remonte au moins au Moyen Age. Il faut être d''une innocence et d'une ignorance insondables pour ne pas savoir que le jeu est truqué. Eh bien, tous les matins, se lèvent des pigeon qui s'y font piéger
Les escamoteurs "moraux", eux aussi, gagnent souvent. Il leur suffit de faire virevolter les idées comme au bonneteau on jongle avec les cartes. Le chaland finit par penser que le rouge se trouve là où est le noir, que le châtiment est pire que la faute.
Prenons le cas de la "double peine". Un étranger, proxénète avéré ou trafiquant de drogue, se voit condamné à la prison. Avant la suppression de la "double peine", à sa sortie, on l'envoyait méditer sur ses erreurs dans son pays d'origine et s'y refaire une santé morale. Parce qu'on pouvait juger que la France avait peu d'avantage à conserver sur son sol cet hôte discutable. Eh bien, on avait tort : on oubliait que ce brave homme avait quitté bien jeune son pays d'origine, qu'il avait, à grand peine, développé dans notre sol généreux de profondes racines. Que le "renvoyer" dans un pays qu'il connaît si mal ou si peu serait d'une cruauté inouïe. Que deviendraient, sans lui, sa tendre épouse, ses malheureux enfants ? Sans parler de la peine qu'en auraient ses "protégées" ou ses "clients"... Inadmissible, on vous dit...
Autre exemple. M. X est entré en France sans autorisation. Il y vit sans papiers (on se demande comment c'est possible) depuis dix ans, quinze ans, plus parfois. Et voilà qu'à la suite d'on ne sait quel malheureux concours de circonstances il se fait arrêter et on s'apprête à l'expulser. C'est honteux ! Vous vous rendez compte, un gars qui avait quitté bien jeune son pays d'origine, qui avait développé dans notre sol généreux...etc. Régularisons bien vite M. X ! L'ancienneté de son délit lui donne des droits ! Un peu comme si se livrer impunément depuis dix ans ou plus au vol à l'étalage était un argument en faveur du pardon.
On pourrait multiplier les exemples.
Bonneteau, je vous dis ! Ne vous laissez pas abuser par les bonimenteurs de foire, qu'ils soient ancien garde des sceaux ou pas : ils ne veulent pas nécessairement votre bien ni celui de la société où vous vivez.