..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

vendredi 8 novembre 2013

Au bonheur des ogres



Je viens de terminer ce livre de M. Daniel Pennac.  Je l’avais bien entendu lu il y a longtemps, mais mon amnésie sélective ne m’en avait laissé aucun souvenir si ce n’est que son personnage principal se nommait Malaussène. Ce qui, reconnaissons-le, laisse beaucoup de place à la (re) découverte.

C’est donc une œil neuf que je posai sur ce roman. Daniel Pennac bénéficiait cependant auprès de moi d’un a priori favorable suite à son plaidoyer en faveur de la lecture à haute voix et à sa Charte des droits imprescriptibles du lecteur qu’il exposa dans son essai Comme un roman.  Depuis le temps ancien où le bon M. Régnault, médiocre pédagogue mais excellent lecteur,  terminait chaque trimestre par deux ou trois semaines de lectures enthousiastes de pièces de Berthold Brecht (eh, oui, j’aimais bien…), j’ai toujours apprécié cet exercice dont je fis bénéficier plus tard mes élèves, pour leur plus grand plaisir comme il me fut souvent rapporté.

La lecture fut agréable. Le seul reproche que je ferais à son style léger et fluide que rehausse un humour de bon aloi serait un usage un peu exagéré de la parenthèse ( Et toi, tu n’en abuses pas, pomme à l’eau ?). Sinon, M. Malaussène, jeune homme chargé par une mère fugueuse d’une fratrie nombreuse et originale, est employé comme souffre-douleur dans un grand magasin. Curieuse fonction vous direz vous ! Voici en quoi elle consiste : sous le titre ronflant de Responsable du service  du Contrôle Technique, il est convoqué au bureau des réclamations chaque fois qu’un client vient se plaindre d’un article défectueux. S’ensuit, en présence du plaignant, une engueulade en bonne et due forme où lui est reprochée sa totale incompétence. N’osant mot dire, il se voit traité de manière injurieuse, traîné dans la boue, humilié. Au point que le client vient à son secours, retire sa plainte et blâme le responsable des réclamations. Ceci permet de régler les contentieux de manière amiable et peu onéreuse.  Seulement, ça ne fait pas une histoire…

Il se passe de bien curieuses choses dans ce magasin : une première bombe y explose, faisant une victime. La seconde, plus efficace en fera deux. La troisième placée dans un photomaton reviendra à l’unité. Curieusement, Malaussène se trouve à chaque fois dans le voisinage immédiat de l’explosion. Témoin privilégié, il devient bien vite suspect…

Je ne vous dirai rien de plus quant à l’intrigue. Si je vous ai mis l’eau à la bouche, allez en découvrir le dénouement.

Je préviendrai simplement ceux de mes lecteurs qui auraient une légère tendance à être un peu réac (si, si, il y en a, je le sais…) et que cela pourrait déranger que M. Pennac appartient au camp du bien. Ainsi, notre héros vit dans un Belleville dont il apprécie grandement la bigarrure ethnique et ses méchants sont comme il se doit des gens d’extrême droite tendance nazie (pourrait-il en aller autrement d’infâmes criminels ?). Mais si on ne se polarise pas sur le message subliminal, si appuyé soit-il, on passe un  très agréable moment de lecture grâce à ce roman. Et puis, personne n’est parfait…

jeudi 7 novembre 2013

Des reporters dénonciateurs et de leurs limites


Les journalistes sont des gens merveilleux, toujours prêts à payer de leur personne pour chercher l’info. Ainsi, l’autre jour, rentrant de Vire je tombai sur l’émission de l’inénarrable Daniel Mermet. Le sujet en était Amazon. Curieusement, ce n’était pas pour en vanter les mérites. Non, l’émission était plutôt critique. Au péril de sa vie, un journaliste du Monde diplomatique s’était fait embaucher incognito comme préparateur de commandes dans un entrepôt de ladite entreprise de vente par Internet. Et qu’y découvrit-il ? Rien moins que l’enfer,  en pire ! Figurez-vous que non seulement la productivité des employés y est mesurée, mais qu’il faut que chaque employé améliore la sienne quotidiennement !  Ce qui n’a pas pour conséquence logique de réduire en permanence les effectifs (logiquement jusqu’à leur quasi-disparition) mais le départ des employés fourbus, usés, au bord de la tombe. Sans compter qu’on n’offre à ces malheureux  que des CDD en  leur faisait miroiter un éventuel CDI qui ne vient jamais ou, dans le cas rarissime où on l’obtient,  qui vous mène fourbu, usé, au bord de la tombe à démissionner au bout de quelques années. De plus les esclaves se doivent d’avoir la mentalité maison. Curieusement, l’état d’esprit CGT,  tant prisé partout ailleurs, n’y est pas recherché…

M. Amazon a donc une politique de l’emploi bien claire : il s’agit d’obtenir un turn-over maximum afin de n’avoir que des employés débutants à faible productivité. On est en droit de supposer que s’il crée des emplois c’est, comme tous les patrons, pour avoir, à terme, le plaisir de les foutre leurs titulaires à la porte (notons au passage que, bizarrement, les employés licenciés pour amuser le patron sont rarement ravis d’une décision qui les libère de l’enfer qu’ils dénonçaient naguère à grands cris).

Cette mode chez les journalistes de gauche d’aller se faire  embaucher incognito (vu qu’ils sont totalement inconnus, ça ne doit pas être trop difficile) n’est pas sans arrière-pensées : il s’agit de dénoncer les méchants capitalistes qui profitent de manière éhontée des circonstances, quelles qu’elles soient. Ces mêmes personnes qui sont pour qu’on accepte sans limites l’arrivée d’immigrés quand le chômage fait rage trouvent curieux que ces-salauds-de-patrons profitent du triste état du marché de l’emploi  pour se montrer plus exigeants vis-à-vis d’une main d’œuvre précarisée. Bonjour la logique !  Ils dévoilent à nos yeux incrédules la pénibilité du travail des gens non-qualifiés (voire de ceux dont la qualification ne mène à aucun emploi, du moins à l’intérieur du système solaire). Nous qui pensions que le travail en usine, en entrepôt ou le ménage sur les ferries était une partie de plaisir !  Comment pas la moindre coupette de champagne à l’heure de l’embauche ? Aucune limousine qui viendrait vous chercher le matin et vous ramènerait à votre vaste duplex du VIe  après une courte journée d’un travail si valorisant que, s’il n’était pas grassement payé, vous l’effectueriez pour le plaisir ?

Nos « espions » ne poussent cependant pas la témérité jusqu’à aller « enquêter » partout.  Je leur suggérerais d’aller faire quelques semaines de remplacements dans des collèges de « zone sensible », dans le 9-3, par exemple ; se faire recruter ne devrait pas être trop difficile. Ils pourraient expérimenter ce qu’est la vie d’un MA, comme il est bien rémunéré, comme il ignore la précarité, comme assurer une mission de service public auprès de charmants bambins avides de culture est gratifiant et stimulant…

Une autre suggestion : se faire embaucher chez Mermet. Si on en croit cet article, en matière de sous-paiement, d’heures supplémentaires effectuées à titre gracieux, d’humiliation et de harcèlement moral, ce brave gaucho n’a rien à envier aux négriers capitalistes qu’il dénonce à longueur d’émissions. Hélas, il y a peu de chances pour qu’il fasse écho à un article critique dédié à ses pratiques managériales. De plus, dans le cerveau de quel pigiste sourdrait l’idée de critiquer la précarité de son propre statut ? Quand on participe de manière éminente aux combats du camp du bien, on le fait sans états d’âme ni rancœurs. Ces petits journaleux devraient se voir décerné la médaille du Cocu de Combat (avec palmes).

mercredi 6 novembre 2013

Être Français



Le débat sur l’identité française (que je n’ai absolument pas suivi) aurait donné lieu à toutes sortes de dérapages aptes à déclencher la colère et l’indignation de nos amis de gauche qui ont pour ces deux activités un irrésistible penchant. Son principal mérite aura donc été de fournir à ces braves gens une occasion de pratiquer leurs hobbies.

Est-il vraiment nécessaire de définir l’identité française, à savoir d’établir une liste de ses constituants principaux ? Je pense que non. Ne serait-ce que parce qu’obtenir un consensus en la matière est absolument impossible quand pour certain ce qui prime ce sont les fameux droits de l’homme,  tandis que pour d’autres c’est la Culture (toujours avec un grand C) ou que pour d’autres encore c’est une gloire militaire passée ou toutes sortes de critères parfois totalement antagonistes.

Certains diront que c’est le hasard qui les a fait naître Français. Un peu comme s’ils étaient une âme qui aurait pu s’incarner ici ou là au gré des caprices d’un destin aveugle ou simplement espiègle. En ce qui me concerne, je dois ma nationalité à un enchaînement de causes logiques : des parents, Français tous deux et eux-mêmes de parents Français m’ont engendré et ma naissance s’est produite en France. Que ce soit par droit du sol ou droit du sang cette nationalité s’imposait donc. Il eût été curieux que, vues ces circonstances, je me sois retrouvé Ivoirien ou Guatémaltèque.

Maintenant, qu’est-ce qui me fait Français ? Je pourrais comme nombre d’andouilles de mes concitoyens me déclarer avant tout « citoyen du monde ». Comme si une telle citoyenneté existait ailleurs que dans des discours fumeux ! Mes parents, afin de parachever mon enracinement m’ont transmis non pas leur Breton natal mais la langue communément usitée en terre de France, à savoir le Français. Comme si ce n’était pas suffisant, je suivis les cours d’écoles, de lycées et de facultés où cette même langue était pratiquée. Autour de moi, la société était organisée selon des institutions françaises. Tout cela eut finalement pour effet de faire de moi un Français. C'est-à-dire quelqu’un qui se sent chez lui en France. Qui ne saurait, sauf si les circonstances l’y obligeaient, vivre durablement  et heureux en aucun autre pays. J’ai vécu plus de six années de ma vie adulte à l’étranger. Je n’ai jamais cessé de m’y sentir Français et n’ai jamais envisagé de m’y établir pour de bon.

Né Français, élevé et formé en France et en français, je me sens Français et ne vois pas comment ni par quel miracle je pourrais me sentir autre. Il se trouve que l’histoire et la géographie me font également Européen mais  l’appartenance à un continent est bien plus abstraite que celle qui nous lie à une nation composée de gens partageant  une même langue,  les mêmes institutions et plus ou moins le même mode de vie.

Ainsi, ce qui fait le Français à mes yeux est le sentiment d’appartenance à la communauté nationale française, rien de plus. Ceux qui n’ont pas ce sentiment sont soit des imbéciles de souche, soit des Français de papiers. Cela n’implique ni une adhésion inconditionnelle à tout ce qui est français, ni un sentiment de supériorité par rapport à qui n’aurait pas cette « chance ». C’est comme dans une famille : on ne considère pas nécessairement que parents, enfants, frères, sœurs, cousins et arrière-cousins  y sont tous dotés de qualités merveilleuses mais on en fait partie, à des niveaux variables selon le degré des proximité, par les liens naturels qui nous unissent à eux et que renforce une histoire commune.

mardi 5 novembre 2013

Métissage




Le métissage est à l’ordre du jour. Au point d’être considéré comme à la fois une fatalité et un idéal. Tout cela est fort bien, bien que je me demande comment une même chose peut être à la fois un idéal qu’on poursuit et une fatalité à laquelle on ne saurait échapper.

Cela dit, ce métissage tant désiré, en quoi consiste-t-il au juste ?

Selon mon fidèle compagnon de galère, M. Robert (le petit), Métissage signifie :  1.Croisement, mélange de races différentes. Le métissage de la population brésilenne. FIG. Le métissage culturel => Acculturation. 2. ZOOL, BOT => hybridation.

Vu qu’il n’existe pas de races, il est évident que la première définition ne saurait être retenue. Il est d’ailleurs étonnant qu’un homme de sens aussi rassis que M. Robert base ses définitions sur des notions inexistantes. Il est vrai que mon édition date de 2003. En ces temps lointains, les superstitions étaient encore nombreuses. N’empêche, je me demande s’il ne serait pas judicieux de poursuivre en justice le ou les auteurs de cette entrée ainsi que l’éditeur…

Repoussons également les acceptions zoologique et botanique qui ne sauraient concerner le peuple le plus spirituel de la terre même si certain dirigeant le déclara constitués de veaux et que d’autres soient, suite à un grave AVC réduits à l’état de « légumes ».

Reste l’acculturarion, processus par lequel un groupe humain assimile tout ou partie des valeurs culturelles d’un autre groupe humain ou adaptation d’un individu à une culture étrangère avec laquelle il est en contact.

A ce compte-là, quatre ans et demi de séjour en Angleterre m’ont-ils métissé à l’insu de mon plein gré ? Après quelques années de vie à temps partiel puis complet en Basse-Normandie ai-je assimilé tout ou partie des valeurs culturelles des gens du Bocage ?  Quid de celles de la Beauce, du Berry, de la Touraine, du Limousin,  voire du Sénégal où mes errances m’ont amené à résider ? Apprécier les kebabs me rend-il un peu Turc ? Le canard laqué, Chinois ? Le poulet tandoori massala, Indien ? La Guiness, Irlandais ? Je crains que la réponse ne soit négative.

En fait, ce fameux métissage- acculturation,  en cas d’ « adoption de la totalité des valeurs » d’un autre groupe revient à une assimilation. Quand elle n’est que partielle, il s’agirait de ce qu’on appelle aujourd’hui l’intégration laquelle peut-être TRÈS partielle. D’autre part, pour que l’on adopte l’ensemble des valeurs d’un autre groupe, encore faudrait-il qu’au sein dudit groupe existe un consensus général sur les valeurs, ce qui n’est  et n’a jamais été le cas nulle part.

Que l’on épouse et engendre des enfants avec une personne de pigmentation et de morphologie différentes, que l’on tombe raide-dingue-amoureux des valeurs d’un autre groupe,  ne participe à mon sens d’aucune sorte de « métissage » mais de la liberté qu’a chacun d’opérer des choix que lui offre un monde rendu plus ouvert par les moyens de transport et de communication . C’est pourquoi je ne vois pas plus de raison de faire du métissage un idéal qu’une fatalité. Tout en restant un fervent participant de l'assimilation...

lundi 4 novembre 2013

Du nez rouge et de ses dangers



Je suis de ceux qui ont délibérément fait le choix de rejoindre le Parti d’en rire. Ne serait-ce que parce que pousser de grands cris d’indignation, de rage ou de douleur n’a jamais servi à grand-chose et que faire semblant de s’en foutre et de prendre les choses à la rigolade me paraît plus digne. Ainsi lorsque suite à un accident de la route je suis arrivé sur une civière à l’hôpital de Brive, n’ai-je rien trouvé de mieux, entre deux halètement causés par la douleur,  alors que l’infirmière m’annonçait  que j’allais passer à la radio, de lui déclarer : « La célébrité, enfin ! ». Cela m’a amené à des malentendus, certains interlocuteurs prenant mes antiphrases ironiques pour  des opinions sincères. Voilà le risque que l’on prend à vouloir faire le malin.

Il m’est arrivé hier une mésaventure qui ne peut s’expliquer que par l’horizon d’attente que crée un comportement habituel. De quelqu’un qui porte ordinairement nez rouge, vêtements  multicolores, perruque orange et chapeau ridicule, on attend des propos de clown. C’est pourquoi, quand sur les conseils de Corto je suis allé voir la dernière vidéo d’Archischmok, j’ai fait un sacré contresens. Il faut dire que depuis pas mal de temps je suis un fan d’Archi. Ses vidéos m’amusent. Jusque récemment, elles commençaient par un « Ave ! » suivi d’un bras d’honneur et se terminaient par un «Ouh, j’vais  te dire mon p’tit gars ! » prononcé en venant se mettre le nez contre la caméra. Entre les deux, un discours bien déjanté, bien réac, plein de trouvailles comme je les aime. Il a récemment supprimé l’Ave introductif.

La vidéo en question s’appelait « Claude Verlon ». Le nom ne m’a rien dit. Ma mémoire en ce domaine comme en bien d’autre est mauvaise. Archi apparut l’air défait. Chapeau l’artiste, c’était du crédible ! Il se mit à parler de Claude Verlon. Je réalisai bien vite qu’il s’agissait du technicien tué au Mali.  Il se disait ravagé par sa mort, il en disait du bien. Et moi, j’attendais le gag : qu’est-ce qu’il va bien pouvoir trouver comme galipette pour faire éclater mon rire, ce con ? Le discours avançant, mon attente alla croissante. Sacré Archi ! Il sait ménager ses effets, le bougre !  La fin de la vidéo approchant, je finis par avoir des doutes. Il évoquait une amitié de quarante-six ans, parlait d’un presque frère…  et la fin arriva, sans le moindre  changement de ton. J’en fus comme deux ronds de flan. J’attendais une grosse connerie et il s’agissait en fait de l’expression de la douleur sincère d’un gars qui vient de perdre un vieux copain, son meilleur ami, peut-être...

Dire que j’ai eu honte de moi, que l’envie m’a pris d’aller me cacher dans un trou de souris serait faux. J’ai juste réalisé à quel point on peut enfermer les autres dans une vision de soi qui empêche d’attendre du rigolo autre chose que le rire. On a du mal à croire que l’hypocondriaque puisse être atteint d’un mal fatal, que les personnes austères aient des moments de joie. Et on fait des erreurs…

Je ne présenterai pas mes condoléances à Archi (comment porterais-je le deuil de quelqu’un que je ne connais pas ?), je voudrais simplement lui dire mon souhait que cette douleur s’estompe bien vite, qu’il  garde sans tristesse le souvenir de cette amitié et que le deuil passé il revienne nous faire rire.