Tout le monde en convient : nous avons la gauche la
plus intelligente du monde, qu’elle soit de gouvernement, de presse ou de
justice. Ce que l’on oublie souvent de souligner,
c’est la remarquable solidité de son argumentaire.
Ainsi, lors de la malheureuse rixe qui vit la triste fin d’un valeureux héros antifasciste
eûmes-nous droit à un festival de bon sens.
Du haut de leur chaires médiatiques les Grands Prêtres du
bien penser expliquèrent comment différencier le bon du mauvais extrémiste. Le
bon extrémiste, de gauche comme il se doit, lutte pour la justice, l’égalité
et finalement le bonheur universel. Le mauvais, de droite bien sûr, milite
pour le rejet, la haine et la destruction de tout ce qu’il y a de beau dans la
société que la gauche nous mitonne.
Des voix, dont la mienne, s’élevèrent pour renvoyer dos à dos ces
groupes de nazes. Leur message fut dûment stigmatisé comme extrême-droitier,
pathétique tentative de minimiser les
fautes des skins et de salir les valeureux défenseurs de la démocratie.
Hélas, hélas, trois fois hélas, si bon soit-il, le grain qui
tombe sur un sol stérile ne germera pas. Il en va de même de la sainte parole
de nos Grands Prêtres. Si honnête, si noble, si juste que soit leur parole,
quand elle tombe dans l’oreille d’un sourd elle a l’effet d’un pet dans la
toundra.
J’en veux pour preuve le récent sondage
du CSA pour Atlantico. A la question : « Selon vous, les groupuscules d’extrême gauche sont-ils plus dangereux,
moins dangereux ou ni plus ni moins dangereux que la démocratie que les
groupuscules d’extrême droite ? » 58 % des personnes interrogées
répondirent les trouver également dangereux. Elles furent même 15% à les juger plus dangereux alors que seuls 19%, suivant la
parole sacrée, les trouvaient moins dangereux (ce qui au passage ne les exempte
aucunement de représenter un danger).
C’est lamentable ! On pourra dire, à juste titre qu’Atlantico
appartient au clan du mal ou que chez CSA les sondeurs sont des branquignols.
On pourra déclarer, et le vicaire délégué par la gauche pour commenter ces
résultats ne s’en prive pas, que la question est mal posée. Ecoutons donc Nicolas
Lebourg, journaliste au Nouvel Obs et par conséquent porteur de vérités incontestables :
«Je crains que la formulation « groupuscules
extrémistes » ne donne un fort biais. Si on demandait aux
sondés s'ils considèrent comme équivalent (sic) des formations politiques qui pour les
unes prônent un nationalisme ethnique et un Etat ne reconnaissant pas les
libertés fondamentales, et pour les autres des moyens certes extra-légaux mais
visant à instaurer une société égalitaire je suis moins que certain que l'on
aurait les mêmes représentations. »
Il est vrai que si on leur posait une autre question les réponses
seraient différentes. Nul doute que si on leur demandait de comparer un week-end gratuit dans un « Relais et
châteaux » à un bon coup de pelle à travers tronche, ils seraient peu à
dire n’y voir aucune différence. M. Lebourg récite bien son catéchisme,
cependant, s’il en a l’étoffe, il n’en a pas encore atteint l’excellence
argumentative du Grand Prêtre. Il semble n’avoir pas saisi que la question
portait sur la dangerosité respective de groupuscules et non sur la préférence que
l’on pourrait montrer entre croiser le chemin d’un agneau farceur ou d’un tigre
mangeur d’homme.
Curieusement, ce sondage ne s’est pas vu offert tout la
publicité qu’on aurait pu attendre. Aurait-il surpris la vigilance de nos
Grands Prêtres et de leurs zélés vicaires ? Ou bien, animés par une charité toute socialiste,
n’ont-ils pas souhaité étaler au grand jour l’inconscience de leurs ouailles ?
A moins que, conscients du fait que leurs sermons ne sont pas plus écoutés qu’un
Guillot
criant « A la coquecigrue ! »,
ne nous informent-ils que de ce qui va dans leur sens ?