Mme Le Pen en a sorti une bien bonne : elle voudrait que l’on interdise les supermarchés et a fortiori, je suppose, les hypermarchés dans les villes de moins de 30 000 habitants. Il y a quelque temps, elle a traité le Listel, ce petit vin de soif de « bibine ». Sans savoir, je l’espère, que les beaux jours revenus, j’abandonne le Côtes-du-rhône pour ce vin gris des sables du golfe du Lion.
Décidément Mme Le Pen me fait de la pe(i)n(e) !
Que deviendrais-je sans supermarchés ? C’est la seule forme de commerce que je supporte ! Je n’achète qu’en grandes surfaces, spécialisées ou non. Et cela parce que je ne supporte pas le petit commerçant. Je n’entre dans une boutique qu’à reculons, sachant que, tel le fourmi-lion qui attend sa proie au fond de son cône de sable, le boutiquier,de derrière son comptoir, va m’agresser. Ça commencera par un anodin « bonjour », mais bien vite, ça se gâtera…
Le seul petit commerce, avec bien entendu le coiffeur, qu’il m’arrive de fréquenter est la boulangerie. Je parviens, en prenant sur moi, à supporter le « et avec ça ce sera ? » que je sais devoir suivre ma demande d’une ou deux baguettes. Comme si j’étais timide au point de ne pas commander le pain au chocolat ou la part de flan que j’étais venu chercher ! Je m’en tire avec un « rien du tout », je paie et je m’enfuis.
Et pourtant, j’ai moi-même été commerçant. Huit ans durant. Seulement, je faisais dans la moyenne surface en libre-service. Les vendeuses n’emmerdaient pas le client, partant du principe que, s’il avait besoin d’un conseil ou d’un renseignement, il était assez grand pour les demander. Au cas contraire, il pouvait toujours aller se faire arnaquer en boutique.
Vous me direz, la qualité, le conseil, le contact humain. Contact humain ? Vous appelez contact humain le sourire hypocrite et les banalités dont vous gratifie votre boucher ? La qualité ? Peut-être. Il arrive que le charcutier n’achète pas ses produits à un industriel mais ce n’est pas la règle. Le conseil, quand j’en ai besoin, il y a des employés au libre-service pour me le donner.
Vous me direz encore (vous êtes bien bavard ce matin) que dans des grandes surfaces spécialisées comme But, on vous agresse aussi bien qu’en boutique. C’est vrai, comme il est vrai que, quand vous souhaitez une précision, les vendeurs semblent s’être soudain dissous dans l’air. C’est pourquoi j’achète mon électroménager sur le net.
J’aime la liberté de la grande distri. J’y évite même, sauf urgence extrême, les rayons boucherie, traiteur, crèmerie et poissonnerie où on essaie de ressusciter un esprit « petit commerce ». J’aime me promener à travers les rayons aux heures où la foule est ailleurs. Je prends mon temps, repère les promos, me laisse tenter par tel ou tel produit… Ce n’est même pas une question de prix. En admettant qu’ils puissent être égaux, je continuerais de choisir la grande distribution.
Tant pis pour l’emploi. Il est vrai qu’en interdisant les pelleteuses on aurait beaucoup plus de terrassiers, qu’en supprimant les autobus il y aurait plus de cochers, et de manière générale qu’en reculant de quelques décennies voire d’un siècle ou deux on restaurerait bien des emplois. Des emplois d’une productivité telle que ça ramènerait le niveau de vie au niveau d’il y a quelques décennies, voire d’un siècle ou deux. Ce qui, quoi qu’en pensent les nostalgiques de l’Age d’Or, ne serait pas généralement apprécié.