Rassurez vous, je ne vais pas vous parler de cette réforme des retraites qui, nous dit-on, provoque l’ire des Français. Ne serait-ce que parce que, à la différence de la majorité de mes concitoyens, je ne suis pas un spécialiste des systèmes de retraite par répartition. Non, il s’agit d’une rage que je viens d’expérimenter ces derniers jours : celle des dents. Bien sûr, il m’était, au cours de ces soixante-douze dernières années, arrivé d’avoir mal aux dents. Mais rien de bien méchant. Des abcès, j’en ai connus beaucoup mais ils avaient le bon goût de ne provoquer que des douleurs supportables. Je ne les soignais pas, prenais mon mal en patience et, en quelques jours ils disparaissaient, ne laissant qu’un souvenir un peu désagréable.
Et puis, samedi dernier, j’ai commencé à ressentir une légère douleur à une prémolaire. Tiens, me dis-je, encore un de ces foutus abcès. Je n’y prêtais guère attention. Le lendemain, la douleur s’accentua. Je commençai à prendre du paracétamol sans que son effet soit notable. La nuit qui suivit fut difficile. Les douleurs s’accentuèrent m’empêchant de dormir jusqu’à 1 heure et me contraignant à me lever à 6 heures. A neuf heures, j’appelai mon dentiste. Hélas la secrétaire m’annonça qu’aucun rendez-vous n’était possible avant plusieurs mois. Je lui rétorquai que d’ici là, d’une manière ou d’une autre, le problème serait résolu. J’insistai cependant, pensant qu’entre deux patients, le praticien pourrait me consacrer quelques minutes pour confirmer la présence d’un abcès et éventuellement me prescrire de quoi lutter contre. Elle me dit qu’elle allait lui en parler et me rappellerait. Je passai la journée dans un état second à attendre son message. Deux jours ont depuis passé et pas plus d’appel que de beurre en broche. Et le pire était à venir.
La
nuit du lundi au mardi me donna une idée de ce que pourrait être
l’enfer. Je pris un demi Lexomil afin de dormir, complétai ma
médication par du paracétamol mais jusqu’à 3 heures pas question
de fermer l’œil, la douleur, malgré de nouvelles prises de
médicaments, alla croissante, se répandant de la mâchoire
inférieure à la pommette et s’accompagnant de fièvre. J’en
fus à penser que la solution serait peut-être d’aller chercher
une pince dans mon atelier et d’arracher la dent ! Seulement,
le risque d’une hémorragie me retint. Je finis par dormir de temps
à autre entre deux réveils douloureux. Je me levai à
onze heures. J’étais à ramasser à la petite cuillère. Ma fille
m’ayant indiqué que dans tout le département il n’y avait aucun
dentiste pour les urgence disponible dans l’ensemble du département
avant 5 jours (ils n’interviennent que le week-end, le reste du
temps ce sont leurs collègues qui refusent de vous recevoir), je ne
savais plus que faire. J’appelai Nicole qui me conseilla de me
tourner vers la pharmacie qui possède une cabine de
téléconsultation. Renseignements pris, j’appris que je pouvais
bénéficier de ce service rapidement et m’y rendis, bien que, vu
mon état, prendre le volant me paraissait risqué. Tout se passa
bien. Antibiotiques et analgésiques me furent rapidement prescrits.
De plus, mes douleurs s’étaient un peu calmées. Cette dernière
nuit se passa bien et une forme relative est revenue. Tout est donc
bien qui finit bien.
Au delà de mes petits malheurs, ce
que cette expérience m’a fait réaliser avec une certaine acuité,
c’est le triste état de notre système de santé : j’ai du
prendre un médecin à 15 km de chez moi. Les soignants ne se
déplacent plus et ne font plus de gardes. Ils ont autre chose à
faire que de soulager les douleurs de leurs patients. Que nous
reste-t-il en dehors des urgences surchargées où en cas
d’incapacité pourraient nous conduire pompiers ou SAMU
à condition qu’on soit prioritaire et qu’ils soient disponibles.
PAUVRE FRANCE !