Au cœur de la nuit du 18 au 19 septembre 2022, un des gardes assurant la veille du cercueil de la reine Elizabeth eut l’impression d’entendre de temps à autre comme un léger bruit de grattement. Le nombre de sujets venus se recueillir devant la dépouille mortelle de la souveraine s’étant amenuisé, le bruit était perceptible . Le garde ne savait trop que penser ni que faire. Le plus inquiétant était qu’il lui semblait que ce grattement provenait du cercueil. Une angoisse le saisit. Serait-il concevable que quelque rongeur y ait été par mégarde enfermé ? Il préféra un temps penser qu’il ne pouvait s’agir que d’un quelconque acouphène bien qu’il n’y fût pas sujet. Du coin de l’œil, en tentant de ne pas nuire au hiératisme qu’exigeait sa mission, le garde tenta de voir si quoi que ce soit dans l’attitude de ses collègues pouvait donner à penser qu’eux aussi étaient perturbés par ce son incongru. En vain.
Quelque temps plus tard, la garde fut relevée. Dans les vestiaires, le soldat ne put se retenir de faire mention de son trouble à un de ses compagnons d’armes :
- Je ne sais pas s’il s’agit d’une illusion phonique, mais il me semble avoir entendu un faible bruit de grattement venant du cercueil de Sa Majesté !
- Je n’osais pas en parler, Malcolm, mais j’ai moi-même eu cette impression lui répondit le sergent John Mac Mitchell.
Les autres membres de la garde confirmèrent à leur tour l’impression de Malcolm.
Que faire ? C’était très embarrassant. S’armant de courage, un des gardes décida de reporter l’incident au capitaine Davies, leur supérieur.
Le rire tonitruant du sceptique Rupert Davies laissant place à la parole, il leur donna ce conseil :
- Messieurs, vous avez vraiment besoin de repos ! Allez vous coucher ou consulter un ORL, quoique à cette heure…
Conseil que ne suivirent pas les gardes. Vingt minutes plus tard, la relève, devoir accompli, revint de sa mission. Loin de nier le « bruit », les nouvellement relevés le confirmèrent et augmentèrent l’inquiétude en déclarant que le léger grattement s’était transformé en faibles coups émanant du catafalque. L’hypothèse du rongeur s’en trouva donc invalidée. On décida d’en référer au chef de corps, Sir Reginald Abercromby, colonel de la garde, lequel après avoir caressé maintes fois une des plus belles moustaches du royaume prononça ces mots historiques :
- Hum, je veux dire, bon, tout ça me semble, hum... bien embarrassant. Je me demande si dans un premier temps nous ne devrions pas, hum… mettre provisoirement un terme au défilé du public et, hum… prévenir le premier ministre et Sa Majesté Charles le Troisième, de cet inquiétant phénomène…
Aussi tôt dit, aussitôt fait. Liz Trust et le nouveau roi s’entretinrent par téléphone. Il fut décidé qu’à l’aide d’appareils acoustiques dernier cri, il était urgent de déterminer l’exacte provenance des bruits. Une équipe de spécialistes en fut chargée. Le constat fut sans appel : les coups entendus provenaient bien du cercueil. Charles, accouru en catastrophe, fut chargé de tenter d’entrer en contact avec l’être ou la personne responsable des bruits.
- Y a-t-il quelqu’un, interrogea-t-il ?
- Un peu qu’il y a quelqu’un, grand dépendeur d’andouilles ! C’est moi, ta mère ! Qui a bien pu m’enfermer dans cette foutue caisse ?
D’emblée un peu choqué par le langage peu protocolaire de sa mère, le roi reprit vite ses esprits :
- Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour Votre Majesté, s’enquit-il ?
- Sors moi de cette putain de boîte tempêta la reine, décidément irritée.
Ce que l’on décida de faire illico presto. On offrit à la reine autant de gin-tonics qu’elle désira en boire, lui apporta quelques sandwichs au concombre et au saumon fumé d’Écosse, l’emmena discrètement à Buckingham Palace pour qu’elle prit un bain et s’y reposât.
Il n’empêche que, comme disent par euphémisme les Britanniques, on était profondément enfoncé dans la matière brune.
A suivre.