Le monument dont je parle. A noter à droite, inexplosée, une des centaines de bombes
qui tombèrent sur la ville
Une chose m’étonne : la façon dont les commentateurs se montrent horrifiés par les nouvelles venant d’Ukraine. On parle de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, le président ukrainien va jusqu’à utiliser le terme de génocide. On assimile le président russe aux pires dictateurs de l’histoire du XXe siècle et l’ukrainien à Saint François d’Assise. Tout ça me paraît bien ingénu, comme si une quelconque guerre pouvait être une promenade de santé, ne faisant que quelques victimes militaires et parmi celles-ci uniquement les plus cruels, les plus fanatiques partisans de dictateurs fous.
Or, si on y réfléchit un tant soit peu, une guerre ne peut être qu’une boucherie criminelle même si elle se borne à massacrer des soldats. C’est un peu comme si on considérait ces derniers comme des volontaires pour la mort qui méritaient amplement leur triste sort. Que des milliers ou des millions de soldats y meurent, c’est de bonne guerre. Que 50 civils en soient les victimes, c’est horrible.
Malheureusement, le massacre d’innocents civils est une constante de toute guerre. Je me souviens des récits entendus il y a bien longtemps de la bouche d’un mien oncle et d’un ami de mon père volontaires en Indochine ayant trait à leur participation à des massacres de civils. Les raconter serait déplacé : j’imiterais l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours. Sachez seulement que ces hommes, ensuite devenus bon citoyens et bons pères de famille, n’y allèrent pas avec le dos de la cuiller.
Mardi dernier, je me rendis à Vire chez M. SFR afin d’y régler un problème de contrat. En retournant à mon véhicule, mon attention fut attirée par un monument que jusqu’alors je n’avait pas remarqué : je m’arrêtai devant ce mur où, sur sept plaques de marbre noir, étaient gravés en lettres d’or les noms des victimes des bombardements de la ville le 6 juin 1944. J’en comptai plus de 400, avec souvent plusieurs homonymes laissant penser que des familles entières avaient été définitivement libérées de tout souci terrestre. La ville ne fut libérée par le 116e Régiment d’infanterie US que le 8 août soit 2 mois et 2 jours après son débarquement car la progression dans l’enfer du bocage n’était pas aisée : sur les 19 chars du régiment, 15 furent détruits par les Allemands dans des chemins creux où les manœuvrer s’avéra difficile. Lorsqu’ils traversaient sur leur route des villages libérés, l’accueil y était enthousiaste on acclamait les soldats, on leur offrait du Calva. Toutefois, le 5 août quand ils atteignirent Vire, l’accueil fut différent : dans une ville quasiment rasée dont les rues étaient encombrées de monceaux de ruines ne restaient que des soldats de la Wehrmacht. Il fallut 3 jours de combats acharnés et une centaine de morts de chaque côté pour en venir à bout.
A-t-on jamais parlé de crime de guerre ou contre l’humanité à l’occasion de cet épisode ? Non, bien sûr. Plus de 400 morts victimes civiles lors d’un déluge de bombes dont certaines incendiaires, si c’est pour la bonne cause…
Mais tout cela est si loin… Les survivants se font rares. On a oublié. Aussi, quand une guerre éclate pas trop loin de chez nous (quand c’est loin, on s’en fout!), on prend parti, on s'émeut, on s’étonne, on s’offusque, on blâme, on voue au gémonies, on rêve d’une guerre fraîche et joyeuse et on fournit des armes pour qu’elle dure…
Je n’ai pas de solution, et ça tombe bien, vu que si j’en avais une qui m’écouterait ? Je déplore simplement le sort des victimes mais à la différence de certains (pas toujours jeunes) ingénus, rien ne m’étonne. Tout ce que je souhaite c’est que la boucherie et les inévitables atrocités commises de part et d’autre cessent au plus vite. Ce qui me fait la jambe belle.