Je finis à l’instant de lire le dernier opus de M . Zemmour. Un livre intéressant à plus d’un titre. Intitulé La France n’a pas dit son dernier mot, sa couverture, d’un point de vue typographique comme iconographique est tout sauf innocente. « La France » de par la taille de police utilisée fait passer le reste de la phrase-titre au second plan. Le nom de l’auteur, occupe un espace conséquent lui aussi mais inférieur. On peut être tenté d’interpréter cette hiérarchie des caractères comme l’hommage du serviteur à son maître (en l’occurrence sa maîtresse). Le fait qu’un portrait du bon Éric apparaisse sur fond de drapeau tricolore ne fait que renforcer cette impression et donne de l’auteur une image quasi-présidentielle qu’expliquent les circonstances de sa parution.
En effet, le livre est paru alors que, privé d’antenne sur Cnews pour délit de candidature non déclarée, M. Zemmour s’apprêtait à une tournée de présentations de son livre qui prit bien vite l’aspect d’une série de meetings politiques.
Curieusement, si on fait abstraction des vingt et quelques pages de l’introduction et des sept pages de la conclusion, les trois cent et quelques autres pages que compte l’ouvrage entretiennent relativement peu de rapports directs avec la campagne de meetings que le livre sera censé justifier. Il s’agit essentiellement de récits de rencontres donnant lieu à des portraits parfois cruels de politiciens ainsi que de réflexions suscitées par des événements, des promenades s’étalant sur quinze ans, de 2006 à 2020. J’en retire l’impression qu’au départ, ce livre de souvenirs rappelant, comme l’admet l’auteur, par certains aspects, les Choses vues de M. Hugo fut écrit avant que la vocation de candidat-sans-l’être-tout-en-l’étant ne sourde dans l’esprit du polémiste et s’est vu tardivement doté d’une préface et d’une conclusion plus en rapport avec les préoccupations immédiates de l’écrivain.
Cela dit, la lecture en est agréable par la forme et par l’esprit. M. Zemmour a un style élégant et efficace qui se révèle dans ses portraits d’hommes politiques qu’il a eu le loisir de fréquenter plus ou moins assidûment au long de sa carrière de chroniqueur politique. Ils sont rarement empreints de tendresse et de révérence, le portraitiste a le don de souligner les côtés peu reluisants de ses modèles et, in cauda venenum, de conclure son récit sur une brève phrase assassine.
Le personnage qui se sort le mieux de ce livre est son auteur. Au fil des pages se dégage un auto-portrait plutôt flatteur : homme de raison parmi les fous, habile sondeur des cœurs et des reins, homme de convictions face aux opportunistes, entre autres qualités, il semble approcher la perfection. Et c’est là son moindre défaut : il a un peu le melon !
Loin d’être son ennemi, saluant son talent et son engagement sans faille, j’apprécie l’écrivain comme le débatteur et n’aurais à aucun prix raté ses éditos de Face à l’info. De là à penser qu’il a l’étoffe d’un président, il y a un pas que j’hésite à franchir. J’y reviendrai peut-être.