Voilà ce qui reste de mes embryons de courgettes |
Je n’aime pas les escargots. Certains en mangeraient sur la tête d’un teigneux. Ce n’est pas mon cas. Si on fait abstraction de la sauce au beurre, ail et persil qui peut les accompagner, je les trouve insipides et leur consistance caoutchouteuse ne m’attire guère. Mais mon manque d’intérêt se transforme en haine farouche dès qu’il s’agit de jardinage. L’an dernier, suite à une prolifération inédite, j’ai mené contre cette maudite bête une guerre sans merci. En effet, ces ravageurs avaient la fâcheuse tendance de manger mes haricots verts dès que ceux-ci sortaient leurs cotylédons de terre. Les rares qui avaient la chance d’échapper à leur gloutonnerie se voyaient dévorés à un stade ultérieur de développement. Je dus en ressemer plusieurs fois pour obtenir une maigre récolte. Au début de cette guerre, je choisis l’arme chimique : des granulés. Mais il semblait qu’ils leur préférassent les plantules naissantes. Il faut dire que les effectifs de leur armée était impressionnants. En faisant un soir un tour de jardin, j’en écrasai de nombreux au passage. Je décidai donc de m’en débarrasser par un écrabouillage systématique. Les soirs de pluie, c’est par dizaines que je les voyais parcourir mes allées de ciment, en route vers de nouveaux ravages.
Cette année, ils sont bien moins nombreux mais ils demeurent nuisibles. J’avais en mars acheté quelques plants de courgettes que je laissai dehors. Quelques jours plus tard il n’en resta que des moignons de tiges qui ne tardèrent pas à mourir. Lorsque j’en rachetai début mai , je pris la précaution après les avoir mis en place de les entourer d’un paillage de lin afin d’empêcher ces baveux parasites de les atteindre. Malheureusement, la technique ne parut pas efficace car dès qu’apparaissait la moindre fleur et le moindre embryon de courgette, ils étaient dévorés. Ces vandales gastéropodes allaient jusqu’à me narguer en continuant leurs agapes quand je les y surprenais au matin, ce qui entraînait une réduction drastique de leur espérance de vie. Je tendis un filet pour les dissuader de s’approcher mais ils continuèrent leurs ravages. J’ajoutai sans trop d’espoir des granulés. On verra si j’en viens à bout ou s’il me faudra me résigner à une année sans courgettes…
L’autre jour, une jeune « amie » Facebook, publiant la photo d’un mimi petit n’escargot traînant sa baveuse présence sur une vitre la commenta en disant que pendant ce temps il ne pensait pas à boulotter ses courgettes. Je lui conseillai donc de profiter de ce moment de distraction pour l’éliminer. Je constatai un peu plus tard que mon commentaire avait disparu. Je suppose que mon conseil avait dû être considéré comme cruel et partant inacceptable. Je vois dans cet épisode purement anecdotique un symbole de la confusion qui règne dans les esprits de bien des jeunes (et pas que) : on déplore dans le meilleur des cas les ravages des nuisibles mais de là à tenter d’y trouver remède, il y a un pas qu’on ne saurait franchir. On se réjouit de voir des loups, animaux pleins de douceur, réapparaître après des siècles d’éradication. Qu’importe qu’ils fassent des dégâts dans les élevages, ils sont si beaux ! On se désole de l’insécurité grandissante mais on ne souhaite en aucun cas s’attaquer sérieusement à ses origines. On devient de plus en plus mignon dans un monde demeuré cruel. C’est une excellente manière de régresser vers la barbarie.
Le jour où je voudrai élever des escargots, je leur offrirai peut-être des courgettes mais tant que ce ne sera pas le cas, je défendrai ces dernières à tout prix.