En entendant les commentaires sur les élections d’hier, trois thèmes se dégagent : l’abstention, l’échec du RN et la prime aux sortants.
L’abstention de deux électeurs sur trois est un camouflet infligé à notre démocratie. C’est indéniable. Quelle leçon peut-on tirer d’une telle élection sinon que les gens, du moins plus de deux électeurs sur trois, ne sont pas allé voter ? Que ce soit parce qu’ils avaient poney, peur d’attraper la cachtapiane galopante, n’avaient pas eu l’occasion de mettre les proclamations dans la poubelle de tri sans les avoir lues, qu’ils ne voulaient pas interrompre la passionnante conversation qu’ils avaient avec leur belle-mère venue de Tarascon pour sa visite annuelle , qu’il faisait trop chaud, trop froid, trop humide ou trop sec, que leur rencard avec la voisine du dessus dont le mari était scrutateur s’est éternisé ou pour toute autre raison valable ou pas, la seule explication objective du taux historiquement élevé de l’abstention reste que les électeurs ne sont pas venus voter.
Toutefois, les commentateurs politiques, sont payés pour interpréter les scrutins et s’en tenir au constat ci-dessus exprimé serait de leur part une forme d’abandon de poste. Consciencieux comme on les connaît, ils se sont donc attelés à tirer des leçons des résultats d’un scrutin pourtant manifestement insignifiants. Exercice périlleux, s’il en est mais, la peur n’évitant pas le danger, il s’y sont lancés avec la bravoure et l’intelligence qu’on leur connaît. Avec un ensemble émouvant, ils sont donc arrivés à deux conclusions à savoir que, premièrement, le RN est loin d’avoir atteint les scores annoncés par les sondeurs ce qui démontre clairement le manque d’adhésion des Français à ce parti et deuxièmement que les sortants ont bénéficié d’une prime.
De là à ce qu’on prévoie pour le RN un enterrement de première classe, il n’y a qu’un pas que certains n’hésitent pas à franchir. Pour ce qui est du succès éclatant rencontré par les sortants, il ne vient à l’idée de personne de le relativiser. Si l’on prend, par exemple le score faramineux de 41,39 % qu’a obtenu M. Xavier Bertrand et qui, selon lui, lui ouvrirait les portes d’une candidature à l’Élysée, loin d’être un raz de marée , il n’est obtenu que sur 33 % de votants soit en fait seulement 13,65 % des inscrits ou encore moins d’un électeur sur sept. Suivant le même mode de calcul, M. Wauquiez triomphe avec 14,27 % des inscrits et Mme Pécresse est plébiscitée par 11,8 % des inscrits soit un tout petit peu plus d’un inscrit sur neuf. Pas de quoi pavoiser.
Si l’on constate le même taux de participation au second tour, en cas de triangulaire, un candidat pourrait se voir porté à la présidence de région avec seulement 34 % des suffrages exprimés et partant, ne représenter que 10,88 % des inscrits. Ne parlons pas d’éventuelles quadrangulaires...
Plutôt que de gloser sur le (voire se réjouir des) victoires et échecs de tel ou tel mouvement ou parti, il me semble que nos chers commentateurs feraient mieux de consacrer leurs efforts à souligner l’ampleur de la catastrophe démocratique qui vient de se produire et d’alerter l’opinion sur les dangers que l’abstention fait courir à la stabilité politique du pays, bien plus inquiétants que ceux supposés entraînés par l’élection de membres d’un parti qui leur déplaît.
Comme j’ai voté hier, j’irai voter dimanche prochain. Le cœur lourd et inquiet pour la France.