Il existe tout un tas de plus ou moins jeunes qui vouent aux « Boomers » une haine farouche. Pour eux, ceux qui sont nés entre 1945 et 1955 (quoique tout le monde ne s’accorde pas sur les dates exactes du phénomène) sont responsables de tous les malheurs de la France et par conséquent de la Terre, de sa banlieue et plus généralement de l’Univers. Ils auraient, sciemment, détruit tout ce que le monde d’avant, si harmonieux, portait en lui de noblesse, de beauté, d’excellence, d’harmonie, de paix, de prospérité, d’élégance, j’en passe et d’encore meilleures.
Il se trouve que, suite à une logique implacable, mes parents étant nés dans les années vingt du siècle dernier, je me trouve faire partie de la génération par eux maudite. Je n’y peux rien, c’est comme ça.
Qu’une génération s’en prenne à celle qui l’a précédé n’a rien de très original. Après tout, il faut bien trouver un objet à ses haines, faute de quoi elles tourneraient à vide. Une haine sans objet, c’est comme un policier sans topinambours ou une belle à qui il manque un rhododendron : ça finit par ronger l’âme de celui qu’elle hante.
Or donc, les anti-boomers reprochent à leurs aînés d’avoir mené une vie confortable, sans soucis, de s’en être fourré plein les poches et de les avoir laissés démunis dans une société sans merci. Ce qui, avouons-le ne serait pas très fair-play de leur part.
Seulement, il y a un hic dans leurs récriminations : les « boomers » ne constituent aucunement un ensemble homogène. Parmi eux, combien ont eu à abandonner leur exploitation agricole devenue trop exiguë pour être rentable ? Combien, dans la métallurgie ou le textile, ont vu leur usine fermer, les laissant sans ressources ni ressort pour simplement survivre ? Combien de petits boutiquiers ont du fermer boutique ?
Nos jeunes amis auraient-ils oublié qu’en 1973 a commencé ce qu’on a appelé une « crise » mais qui n’était que le début d’un long processus de déchéance de l’Europe qui se poursuit 57ans plus tard ?
Ils en veulent également à leurs aînés pour leurs dérives idéologiques. A croire, qu’unanimes, lesdits « boomers » ne rêvaient que de mettre le monde cul par dessus tête !
En fait, les anti-boomers, confondent une génération et son « élite ». Ils ne sont eux-mêmes qu’une « élite » aspirant à remplacer la précédente.
Pour calmer leur impatience, je leur dirai qu’ils finiront bien, si Dieu leur prête vie, par recueillir leur héritage (s’il y en a un), et qu’ils deviendront, à leur tour, des objets de haine. Comme disait Brel (qui en était un beau spécimen) « Les bourgeois, c’est comme les cochons, plus ça devient vieux plus ça devient bête ». Il en est même qui vieillissent prématurément.