Olivier Chombier tenait, depuis des lustres, un rôle prépondérant dans les institutions charcutières de France. Que ce soit lors de la Foire au boudin de Mortagne, des Rillettades du Mans, du Festival Panalsaciens du Knack de Strasbourg (FPKS), des Jambonnades Bayonnaises, du Congrès Interceltique de l’Andouille de Guéméné-sur-Scorff et de tout ce que l’hexagone compte de manifestations charcutières prestigieuses c’est dans un silence religieux que l’on écoutait ses interventions avant de l’ovationner.
Les media se l’arrachaient. Un débat sérieux sur le porc et ses dérivés était tout simplement inconcevable sans celui que l’on surnommait « Le pape de la charcutaille ». Son émission « Saucisses, pâtés, andouilles et compagnie », programmée en prime time battait les records d’audience. Mérite Agricole, Légion d’honneur, Ordre du mérite, aucune distinction ne lui fut refusée. Des unes de Match, The Economist, Time Magazine, et de bien d’autres prestigieuses publications internationales rendirent son visage de bon vivant familier au monde entier.
Mais, comme on se plaît à le répéter dans les salons feutrés de l’élite charcutière , « Arx tarpeia Capitoli proxima ». Depuis longtemps déjà des rumeurs circulaient sur son compte : de mauvaises langues laissaient entendre qu’Olivier aurait eu tendance à faire « tâter de sa saucisse » à de jeunes et même trop jeunes gens. Mais que ce soit dans la filière charcutière ou dans tout autre milieu, on craint tout scandale susceptible d’entacher la profession. Hélas, des décennies après les faits évoqués, un article fut publié par la revue « Charcuterie et Démocratie » dans lequel la fille de sa seconde épouse l’accusait d’avoir sexuellement abusé de son frère ! Comme dans l’histoire du fou qui repeint son plafond, le tout charcutaille pria Chombier de s’accrocher au pinceau avant de s’empresser de lui retirer son échelle. On annula son émission, l’exclut des ordres prestigieux, nombre de personnages éminents de la charcuterie déclarèrent tout ignorer des faits reprochés à Chombier, tandis que quelques-uns de ses intimes crurent nécessaire de démissionner de leurs fonctions. Cependant, l’affaire ne connut pas de grand retentissement dans les media car qu’un charcutier, si talentueux soit-il, ait sa part d’ombre ne saurait faire leur choux gras. Les faits étant prescrits, l’affaire passa à la trappe.
Entre cette fable et le scandale qui émeut actuellement le Tout-Paris médiatico-politique la seule différence est le retentissement qu’il connaît. On s’offusque, on blâme, on dénonce à tout-va. Comment se peut-il qu’un grand constitutionnaliste se soit rendu coupable du « pire des crimes » ? Qu’un éminent donneur de leçons, même si ces dernières ne portaient généralement pas sur les déviances sexuelles, puisse s’être adonné à de telles pratiques ? A droite, on en profite, dans la foulée, pour vilipender la « gauche caviar » et sa pratique de l’entre-soi, étouffeuse de scandales. J’avoue que l’agitation effrénée du Landerneau politico-médiatique m’étonne tant il est basé sur la conception, erronée à mon sens, qu’une personne éminente devrait être, par définition, exempte de toute turpitude. A mes yeux, qu’ils soient charcutier ou constitutionnaliste, aucun homme, aucune femme ne sont à l’abri de fautes fussent-elles gravissimes. Ça me paraît une évidence.
D’un autre côté, le temps passé à évoquer ce scandale n’est pas consacré au Covid et ça nous fait des vacances.