M. Christophe Euzet n’est pas (lui non plus) n’importe qui. Élu député LREM de l’Hérault en 2017, il vit la lumière en 2020 et rejoignit le groupe Agir ensemble en 2020 tout en restant dans la majorité (mouvement subtil !). Auparavant, il était Maître de conférence en droit public à l’université de Perpignan, ce qui n’est pas rien et devait faire la fierté de ses vieux parents.
Homme d’action et de courage, il a pris la tête d’une croisade contre la glottophobie, un des fléaux principaux qui ravagent notre pauvre République. Peut-être ignorez-vous ce qu’est la glottophobie ? Je ne saurais vous en tenir rigueur vu que je n’en ai appris le sens qu’hier matin. Il s’agit de la discrimination par l’accent et non de la peur irrationnelle que provoquerait la diffusion des films de Marcel Pagnol. M. Euzet a donc présenté mercredi dernier à la commission des lois de l’Assemblée Nationale un projet de loi visant à lutter contre cette calamité. Selon ce Perpignanais de naissance, beaucoup de Français ne se sentent pas représentés du fait que les accents régionaux sont bannis des sphères publique et médiatique.
Il est indéniable qu’au contraire, par exemple, du Royaume-uni, en France les présentateurs de télé ou de radio ou les politiciens parlant avec un accent régional sont rares. A cela, plusieurs raisons : d’une part, la France est un état jacobin centralisé et partant, tend à encourager une prononciation standard de sa langue. De ce fait, les accents régionaux tendent à disparaître. Ma mère parlait avec un accent breton assez prononcé. Ceux de mes cousins restés en Bretagne l’avaient (comme la langue bretonne) totalement perdu. A la fin des années soixante, en Eure-et-Loir, il me fallait parfois tendre l’oreille pour comprendre certains vieux du Perche. J’ai pu également constater en Corrèze une forte atténuation voire une quasi-disparition de l’accent entre mon premier séjour en1990 et ces dernières années. C’est peut-être bien triste mais d’un autre côté la disparition des accents et des patois qui les accompagnaient facilite la communication entre les gens de différentes régions. Pour revenir au Royaume-Uni, s’il est compris par tous, l’« Anglais de la reine » (celui qu’on enseigne avec le succès que l’on sait dans nos écoles) ne serait pratiqué que par environ 10 % de la population. Un Cockney a bien du mal à comprendre un Glaswegien ou un gars de Newcastle (qui le lui rendent bien). Les présentateurs et autres politiciens « à accent » n’en pratiquent donc qu’une version légère et intelligible de ses concitoyens.
Pour conclure il me semble que le combat d’arrière-garde de M. Euzet et celui d’avant-garde de M. Rebeyrotte montrent à quel point la majorité qui nous gouverne est préoccupée par des sujets fondamentaux et que nous ne pouvons qu’avoir confiance en leur capacité à faire naviguer en toute sécurité le char de l’État sur le volcan moderniste.
J’attends avec impatience le jour ou une présentatrice issue de la diversité, lesbienne ou transgenre, bègue et dotée d’un fort accent des hautes vallées béarnaises, pourra enfin présenter les actualités dans la novlangue de Mme Nakamura, renforçant ainsi la cohésion nationale comme le prestige mondial de la langue française.