العربية ليست فطيرة
D’après la machine à traduire cela signifierait « L’arabe, c’est pas de la tarte »
M. Macron a plus d’un tour dans son sac et son chapeau déborde de lapins. L’autre jour, ce magicien a ébloui de nouveau son public en annonçant deux mesures susceptibles de lutter contre le « séparatisme », à savoir l’enseignement de la langue arabe à l’école et celui de la théologie islamique dans les universités. Admettons que cette dernière mesure, si elle vise à instaurer un Islam compatible avec les valeurs fondamentales françaises (ou du moins ce qu’il en reste), puisse être un moyen de réduire les frictions et autres fractures qui menacent notre corps social. Reste à savoir où quand, comment on va recruter des théologiens modérés susceptibles d’assurer l’enseignement désiré. De plus, qui sera chargé de s’assurer de la valeur de leur enseignement et sur la base de quels critères ? La mise en place de ce projet ne me paraît donc pas de celles que l’on réalise facilement.
Quant à l’enseignement de l’arabe dans les écoles, le moins qu’on puisse dire c’est qu’il pose des questions. Quel arabe voudrait-on enseigner ? Dans quel but ?
Je me suis, dans ma folle jeunesse laissé tenter par l’apprentissage de l’arabe littéral (également appelé littéraire). Des cours du soir étaient organisés à Dreux, ville où j’enseignais au collège du quartier des Chamards qui connaissait alors une forme de célébrité nationale en tant que quartier « sensible » comme on dit aujourd’hui. Je m’y inscrivis. Bien qu’ayant une certaine facilité pour les langues, je dois dire que ce ne fut pas une mince affaire. Car la langue arabe est assez complexe. L’assimilation de l’alphabet (28 consonnes et 3 voyelles généralement non notées) ne pose pas trop de problèmes hormis la prononciation de certains phonèmes gutturaux. Seulement, s’y ajoutent les problèmes des déclinaisons, de la quantité des voyelles, de l’acquisition de la syntaxe et du vocabulaire. Tout ça ne se fait pas en un jour. Mon expérience fut brève car mes condisciples avaient un but différent du mien : la langue littéraire ne les tentait pas, ils préféraient apprendre la variante dialectale algérienne. Le professeur accéda à leur désir et je quittai ce cours devenu à mes yeux sans intérêt. Depuis, j’ai tout oublié du peu appris.
Il existe donc plusieurs sortes d’arabes. Un multiplicité de formes dialectales, celui du Coran et la forme moderne standard, celle qui est enseignée dans les écoles des pays arabophones et qui y fonctionne comme langue-toit (langue permettant aux locuteurs de différents dialectes de communiquer entre eux comme c’est le cas en Italie ou en Allemagne ou langue nationale et dialectes locaux coexistent à des niveaux différents de communication verbale.). Il paraît clair que c’est cette dernière qu’il faudrait choisir, vu que la langue du Coran ne présente qu’un intérêt religieux et que les formes dialectales n’ont qu’un intérêt limité.
Seulement, là encore se pose la question du recrutement des professeurs lequel ne va pas sans poser problème. Il semblerait que le nombre de professeurs qualifiés en France soit plutôt restreint. Ce fut également le constat qu’entraîna la décision, dans les années 60, du président Boumédiène d’arabiser l’enseignement. Pour y remédier, on fit venir d’autres pays, et principalement d’Égypte des enseignants. Seul petit problème : ces braves gens avaient tendance à être des Frères Musulmans et c’est ainsi que se répandit l’islamisme dans le pays avec les tragiques conséquences que l’on sait.
Estimons le problème résolu et que la France dispose d’un nombre suffisant de bons enseignants de l’arabe moderne standard, bien laïcards. Reste à savoir en quoi l’apprentissage de cette langue permettra de résoudre les problèmes que pose le « séparatisme » ou le communautarisme. Je serai tenté de penser qu’au lieu de les apaiser ça ne ferait que les renforcer en enracinant davantage les jeunes dans la culture de leurs origines.
Car le meilleur moyen de lutter contre est, de toute évidence, l’assimilation et non une pseudo-intégration (concept vague voire totalement vide de sens). C’est plutôt en favorisant la maîtrise de la langue française qu’on parviendra à consolider le sentiment d’appartenance à la communauté nationale.
Pour conclure, il me semble que les recettes-miracles de Macron l’Enchanteur(-qui-n’enchante-pas-grand-monde) présentent deux défauts majeurs : celui d’être difficiles à mettre en œuvre et, accessoirement, celui de risquer de s’avérer totalement contre-productives voire dangereuses.