M. Joffrin veut relancer la gauche. Il
s’agit d’un homme remarquable, au sens où les gens de gauche
peuvent l’être, c’est à dire que plus que le gauchiste de base,
il a cette attitude méprisante vis-à-vis des pauvres benêts qui ne
partageraient pas ses « vérités », ce petit sourire
dédaigneux face à toute contradiction qui ne saurait émaner que
de microcéphales. Il remplace avantageusement mes habituelles têtes
de turc, Noël Mamère et Edwy Plenel qu’allez savoir pourquoi on
voit moins ces derniers temps.
Je
l’observai récemment lors d’un de ses nombreux passages sur les
media. Bien sûr, il était pour une sévérité exemplaire envers
les criminels. On sentait le gars à qui on ne la raconte pas :
une main de velours dans un gant de latex. Seulement, lorsque
d’autres parlaient d’apporter un soutien réel à la police, il
insista pour que l’on commence par infliger des sanctions
exemplaires aux policiers qui manqueraient ou seraient soupçonnés
de manquer à la déontologie, ce qui laissait sous-entendre que
l’origine des « incivilités » devait être trouvée
dans ce laxisme de la justice vis-à-vis de la police. Laquelle est,
comme l’on sait, responsable du sentiment d’insécurité qui
jette son ombre fantasmagorique sur des esprits attardés.
Ce
M. Joffrin appartient à l’école de « pensée » du
« c’est-plus-compliqué-que-ça ». Supposons qu’un
soleil ardent brille sur un fond de pur azur. Esprit simpliste, vous
vous direz « il fait beau aujourd’hui ! ».
Le « c’est-plus-compliqué-que-ciste», sourire narquois aux
lèvres , raillera votre innocence, arguant que le ciel se couvre à
Vladivostok et qu’on est en plein hiver au sud de l’hémisphère
austral, ce qui rend votre affirmation erronée. S’il est d’humeur
conciliante, il ira peut-être jusqu’à vous concéder que votre
affirmation est trop localement exacte pour qu’on puisse lui
reconnaître le statut de vérité. En fin de compte, le
« c’est-plus-compliqué-que-cisme» mène à tout relativiser
et au laisser faire. Vu que la police n’est pas parfaite, on ne
peut pas vraiment la soutenir. Ce qui revient à laisser la racaille
libre de pourrir la vie de son entourage et à laisser les policiers
dans l’incapacité d’établir un semblant d’ordre en dehors des
endroits où il règne déjà et où ils peuvent encore sévir sans
problème.
Le
problème c’est que MM. Joffrin et consorts ont permis au fil des
années à la peur de changer de camp. On ne respecte que ce qu’on
craint et la crainte ne naît que si la sanction est suffisamment
dissuasive. Le reste est du bavardage.
Pour
illustrer mon propos, je vous propose une anecdote que me conta Mme X
(j’ai changé son nom), surveillante dans un établissement où
j’exerçais. Lors de vacances dans son pays d’origine (pays que
je ne nommerai pas mais qui, situé de l’autre côté de la
Méditerranée, a connu, plus d’un siècle durant, les affres de la
colonisation française). Or donc, Mme X se trouvait avec quelques
uns de ses parents sur une plage familiale de la capitale. Arrive
alors, venu de France, un jeune homme visiblement originaire du pays
qui, à l’aide d’un ghetto blaster s’emploie à mettre fin au
calme régnant. On lui signifie qu’il dérange. Il fait la sourde
oreille. On appelle la police. Elle arrive. Un policier explique au
jeune incivil que son bruit dérange la tranquillité des familles
présentes. Peu semble en chaloir au trublion. Avec calme, le
policier se saisit de la source du bruit et la jette dans la mer.
Interloqué par cette action si peu concevable en France, le jeune se
montre menaçant et déclare bien fort sa volonté de porter plainte
contre le policier. Peu impressionné, ce dernier, sourire au lèvres,
lui répond qu’il ne voit là aucun problème et qu’avec ses
collègues il se fera un plaisir d’escorter le plaignant jusqu’au
commissariat où il pourra expliquer tranquillement les raisons de
son mécontentement. Que croyez-vous qu’il se arriva ? Le
jeune, réalisant probablement à temps qu’autre pays, autres
mœurs, cessa plaintes et menaces avant de quitter la plage.
Vous
me direz que ces méthodes sont en contradiction avec les droits
imprescriptibles de la racaille à emmerder le monde qui sont la
règle chez nous. Certes, et ce n’est pas l’intransigeant M.
Joffrin qui vous contredira. Mais vu qu’il est difficile de faire
coexister notre règle et la tranquillité publique, vient un moment
où il faut faire des choix.