M. Onoda lors de sa reddition. Son air martial contraste avec celui, rigolard, de l'officier qui reçoit son sabre ! |
En 2014, à l’âge canonique de 91
ans, mourait à Tokyo M. Hiroo Onoda, sujet japonais qui avait vécu
une expérience pour le moins extraordinaire. Officier de l’armée
impériale, il fut envoyé en mission avec quelques subordonnés sur
l’île philippine de Lubang. C’était en 1944. Les ordres étaient
clairs : il lui fallait résister jusqu’à ce qu’arrivent
des renforts. Toute reddition, quoi qu’il arrive, était hors de
question. M. Onoda était un militaire discipliné et un patriote
incapable de concevoir que l’Empire du Soleil Levant pût être
vaincu. Il respecta les ordres reçus…
...jusqu’en
1974 ! Car il était de ces hommes à qui on ne la
fait pas. Trente ans durant, il continua le combat. Avec un
groupe qui se réduisit avec le temps, il continua d’affronter les
troupes philippines ennemies, leur infligeant de lourdes pertes et ce
jusqu’en 1972 où, lors d’un engagement il perdit son dernier
compagnon d’armes. Bien des efforts furent déployés pour le
traquer ou le convaincre de se rendre : rien n’y fit. Les
tracts largués, il n’y croyait pas. Les recherches engagées
furent vaines. Durant la guerre du Vietnam, la vue des bombardiers
américains survolant son île, renforça sa conviction que le
conflit faisait toujours rage. Il ne consentit à se rendre après
trente ans de résistance acharnée que lorsque son ex-commandant,
s’étant engagé dans la jungle et l’ayant retrouvé lui donnât
l’ordre de le faire. Discipliné, vous dis-je !
Pourquoi
évoquer aujourd’hui quand un soleil radieux darde ses rayons sur
mon coin de Normandie vertement en
voie de déconfinement ? C’est
parce que je crains que la guerre menée par notre valeureux peuple
contre le Covid-19 n’engendre des émules de M. Onoda. Lorsque le
gouvernement, dans sa grande inconscience selon eux, décida
d’esquisser l’amorce d’un déconfinement très progressif,
nombre de nos concitoyens jugèrent
la mesure prématurée. Pour eux, la guerre continuait. Il fallait
rester chez soi, le tueur invisible n’ayant aucunement perdu de sa
virulence. Sans oser tenter de l’imposer, certaines hautes
autorités invitèrent
cependant les personnes à
risques
à rester chez elles.
Dans
ces conditions, ne pourrait-on pas envisager que, traumatisés par la
terrible menaces, certains, du genre à
qui on ne la fait pas,
décident, quoi qu’il en coûte de poursuivre
le combat en utilisant les armes qui avaient permis aux valeureux
guerriers de maîtriser la
progression du virus ? Ils continueraient donc de se signer une
autorisation de sortie, ne quitteraient pas,
dûment munis d’un masque fait-maison, leur domicile plus d’une
heure et cela sans outrepasser
un rayon d’un kilomètre, se
maintiendraient à un mètre au
moins de leurs semblables, porteraient
des gants, tousseraient et
éternueraient
dans leur coude, se laveraient
les mains sans cesse,
désinfecteraient
tout objet susceptible d’avoir d’une manière ou d’une autre
été contaminé, ne
recevraient
personne et refuseraient
toute invitation et
limiteraient
leurs motifs de sorties à la liste édictée par le gouvernement.
Il
est certain qu’au fil des décennies, le nombre de ces
irréductibles irait s’amenuisant du
fait des décès et des campagnes de désensibilisation. Peut-être
que le dernier d’entre eux, convaincu par un de ces nombreux
professeurs jadis alarmistes que tout danger était écarté, finira
par rendre les masques en 2050 avant de mourir de vieillesse en 2090.
Espérons que comme pour M.
Onoda, un
article de Libé viendra saluer son souvenir.