..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

samedi 11 avril 2020

Voisinage (2)



Avertissement : J’ai tenté de relater cet épisode lamentable sur un ton badin. Seulement, il n’a rien de plaisant. Il est même navrant de constater que l’on vit au milieu de gens de cette sorte, que l’on n’y peut rien, que la misère matérielle et morale continue d’exister et que si elle allait s’installer un peu plus loin de chez moi ça ne l’effacerait pas pour autant.

A l’automne dernier, un charmant jeune homme est venu remplacer le vieux trumeau et son ex-taulard d’amant dans une maison voisine. De mon jardin, je pus vite constater que ce que je perdais en querelles de tourtereaux débiles et conversations ineptes était largement compensé par de nouvelles nuisances : en effet, mon nouveau voisin, s’il vivait seul hors des visites du jeune enfant que je supposai être son fils, était de ces amateurs de Rap qui ne rechignent pas à faire partager leurs goûts musicaux au voisinage. Vue sa présence constante, il semblait ne pas être assujetti à cette malédiction divine qu’est le travail. Heureux propriétaire de deux voiturettes sans permis, il quittait fréquemment son domicile dans de bruyantes pétarades pour y revenir bien vite avant de partir à nouveau. Sinon, il s’occupait dans le jardin à écouter ses airs préférés en sirotant une bière. Bref, un cassos avait chassé l’autre.

L’actuel confinement ne semble pas avoir beaucoup changé ses habitudes. Il continue de se rendre je-ne-sais-où pour en revenir bien vite. J’en conclus qu’il doit se ruiner en attestations de déplacement dérogatoires vu qu’il en est aujourd’hui, à seulement dix heures, à son troisième ou quatrième aller-retour. Il semble que le petit garçon ne vienne plus. Ses jouets verdissent toujours, épars, dans la cour. Ses cris ont été remplacés par les gémissement d’un chien molossoïde suppliant qu’on le laisse entrer. La nature a repris ses droits dans ce qui fut naguère un jardin soigné, maintenant jonché d’objets hétéroclites . Tout va donc bien. Ou plutôt allait bien jusqu’à avant-hier soir.

Dans la soirée, tandis que je désherbais mes carrés de fraises j’entendis une voix masculine s’enquérir de la dangerosité puis du nom du chien. Il y avait donc au moins un visiteur. Comment mieux lutter contre la solitude qu’impose le confinement qu’en recevant des amis ? Toutefois, plus tard dans la soirée, j’entendis des éclats de voix. Quoi de plus naturel au fond ? Au fil des heures, les packs de bière se succèdent, un mot entraîne l’autre, le ton monte… On ne peut pas être tous d’accord sur le traitement du professeur Raoult ou sur certains points de la philosophie kantienne… Nous ne vivons pas dans un monde idéal. Cependant, certains bruits fracassants de vaisselle brisée et de meubles déplacés sans ménagement, commencèrent à m’inquiéter sur l’issue du débat en cours.

Je mis le nez dehors et vis une porte s’ouvrir et quatre hommes sortir sur le trottoir. L’un deux s’écroula tandis qu’un autre, visiblement irrité  se mit en devoir de faire valoir son point de vue à grands coups de pieds dans le corps de l’homme à terre, criant qu’il allait « le finir » Les deux autres tentaient de calmer le jeu, priant « Momo » d’arrêter. Je décidai prudemment de fermer ma porte et montai à l’étage, d’où j’assistai à la fin de la dispute. Ses compagnons ayant regagné une voiture garée de l’autre côté de la rue, le dénommé Momo, abandonnant son projet de finalisation, les y rejoignit non sans avoir au préalable brisé une glace d’un des voiturettes d’un coup de poing rageur. La voiture s’éloigna tandis que mon voisin se relevait et rentrait à la maison.

Le voisin d’en face, qui avait assisté à la scène en attribua l’origine à la boisson, ayant vu plus tôt un des hommes, ne tenant plus bien sur ses jambes sortir pour soulager sa vessie sur l’une des voiturettes. Je redescendis et allai me promener un peu sur le net. J’entendis de nouveau des bruits de bris divers. Il semblait que le voisin, perfectionniste, ait voulu parachever les destructions. Puis tout se calma.


vendredi 10 avril 2020

Poulet et pommes de terre rôtis



Mais qu’est-il arrivé à cette pauvre bête ? Victime d’une forme particulièrement aiguë du Covid-19 ? D’un grave accident de la route ? Vous titrez « Poulet et pommes de terre rôtis » mais où sont les pommes de terre en question ? Eh bien figurez vous que l’accompagnement de la bête, je l’ai dévoré comme une bonne partie du poulet. Parce qu’ils étaient excellents et que je suis gourmand.

Si depuis des décennies je cuisine ce genre de plat rôti, je dois dire que cette fois-ci suite à quelques modifications je suis parvenu à un résultat vraiment remarquable. Ma générosité légendaire et mon non moins remarquable sens du partage me le dictent : en voici la recette.

Procurez vous par achat, vol ou élevage, un poulet de qualité, genre fermier (on le reconnaît à ses bottes Baudou), ayant, si possible, obtenu grâce à ses mérites le Label Rouge. Pelez les pommes de terre et coupez les en deux ou quatre selon leur grosseur. Dans un plat allant au four disposez le poulet ainsi que les patates. Salez, saupoudrez de piment d’Espelette moulu. Introduisez deux ou trois feuilles de laurier et autant de branches de thym frais à l’intérieur du poulet. Déposez sans lésiner du saindoux sur la volaille et son accompagnement. Introduisez votre plat dans un four à chaleur tournante pré-chauffé à 180°. Ensuite, toutes les 20 minutes, arrosez avec la graisse de cuisson votre poulet et les patates que vous retournerez également afin qu’elles dorent régulièrement et d’éviter qu’elles n’attachent. Après une heure et demie, le poulet est prêt, succulent, parfumé, tendre et moelleux comme ses compagnes de cuisson. Bon appétit !

mercredi 8 avril 2020

Une optimiste !


Ce matin, quand je me suis réveillé, j’ai vu qu’il s’apprêtait à faire jour. Je ne fis ni une ni deux pour me lever car j’étais bien décidé à me rendre au cabinet de soins infirmiers afin qu’on m’y fasse une prise de sang histoire de voir si, après avoir cessé de prendre le médicament contre l’hyperthyroïdie et celui qui était censé l’avoir provoquée, mes TSH, T4 libres et d’autres bestioles de ce genre étaient revenues à de meilleurs sentiments.

Je dus me hâter car ma montre indiquait 7 heures 35 et que la permanence des infirmières prenait fin à 8 heures. Encore à moitié dans le coaltar, je parvins cependant à m’habiller, à retrouver mon ordonnance, à remplir l’attestation et d’un coup de voiture à me retrouver au cabinet à 7 h 50. Je fus un peu surpris de voir que le bureau d’accueil était vide alors que d’ordinaire tous les sièges y sont occupés jusqu’à 8 h et plus. Une personne était cependant dans le cabinet de l’infirmière. J’attendis donc un peu et échangeai quelques mots avec la secrétaire.

Conversation intéressante ! La bonne dame (j’allais dire brave, mais son discours m’indiqua que sa bravitude était en bien piètre état) me tint des propos qui donnaient à ceux que nous tiennent les plus alarmistes commentateurs médiatiques l’impression de refléter un optimisme exagéré. Selon elle, il suffisait qu’un membre d’un foyer soit contaminé pour que tous ses membres se retrouvent illico-presto en réanimation. Je lui exprimai mon scepticisme quant à ses affirmations. Elle me répliqua que ce qu’elle disait était basée sur des observations locales, des cas réels et non sur ce qu’on disait à la télé. Qu’elle s’empressa de me dire ne pas regarder. J’en restai pantois.

Car, si on en croit la carte en temps réel de la progression de l’épidémie, il n’y avait au 7 avril dans l’ensemble du département de la Manche que 66 personnes hospitalisées dont 23 en réanimation et qu’on n’y déplorait depuis le début de la crise que 17 morts. Le département comptant 500 000 habitants, ces chiffres sont tout de même très faibles. A croire que l’essentiel des intubés venait de Sourdeval ou de son canton qui seraient un mini-cluster départemental. Ce qui serait étonnant vu le faible peuplement et la faible densité de notre coin du Sud-Manche. J’eus beau lui dire que la plupart des diagnostiqués positifs n’étaient pas hospitalisés, que moins d’un tiers de ces derniers étaient en réa, rien n’y fit : c’était ce que racontait la télé qu’elle n’écoutait pas, point barre.

J’avoue qu’une telle réaction me laisse songeur, moi qui pensais que la cause essentielle des frayeurs qui parcourent notre beau pays était le battage médiatique autour de l’épidémie. Et puis je me suis souvenu que lors de ma précédente visite, le 27 février, cette même personne m’avait annoncé qu’un cas de Covid-19 avait été diagnostiqué à Vire. Renseignements pris, il s’agissait seulement d’une employée de la poste qui, ayant passé des vacances en Italie, s’était vue prescrire une période d’isolement. Ainsi, pour certains, un isolement devient cas, un infecté et tous ses proches se transforment en quasi-mourants. Pas étonnant que le cabinet soit moins fréquenté !

Ça me rappelle une expérience que je fis, adolescent : un camarade de lycée m’annonça être passé devant chez moi la veille. Ma fantaisie me dicta de lui demander s’il avait vu l’accident. Bien sûr, qu’il l’avait vu ! Il fut même en mesure de me fournir des détails précis sur cet événement totalement imaginaire…

Nous sommes dans un pays cartésien, tout le monde le sait. Il me semble cependant qu’en matière de rationalité certains ont encore de menus progrès à accomplir.


mardi 7 avril 2020

Mes joies, mes peines

Maquereau au vin blanc et sa fondue de poireaux (du jardin, les poireaux)


J’avoue que j’aurais préféré vous parler de la recette de fondue de poireaux que j’ai réalisée hier mais les sujets sérieux ne sont pas de mise à l’heure actuelle où, plus que jamais,  le rôle de bouffon irresponsable que je me plais à tenir m’impose de parler de choses plus futiles comme les joies et les peines qui rythment mes jours.


Or donc, hier, je me levai, après une nuit agitée par des facéties intestinales dans une forme bien moyenne. Saisi de colique je me rendis d’urgence aux toilettes. Sans trop d’appréhension, je me décidai ensuite à subir le test que propose  M. Gouvernement Point fr sur son joli site.  Vu que l’avant-veille j’avais connu une faible poussée de fièvre très temporaire à 38° (du genre de celle que ma mère jugeait sans intérêt et non susceptible de me faire manquer l’école), que je ressens depuis pas mal de temps des courbatures et que je me sens un peu fatigué, autant savoir ce qu’il en pensait. Je répondis donc avec conscience aux 22  questions posées. Et le verdict tomba : Votre situation peut relever d’un COVID 19. Vos symptômes indiquent qu'un avis médical est nécessaire. 

Seulement, vu que, à part me dire qu’il fallait voir comment la situation allait évoluer je ne voyais pas trop ce que mon médecin allait pouvoir me dire, je m’empressai de n’en rien faire. Il serait toujours temps de la* déranger en cas d’aggravation notable des symptômes.  J’avisai ma fille de cette sage décision par SMS.

Lorsqu’elle me téléphona dans l’après-midi, elle me fit remarquer que si elle se trouvait dans quelque temps dans la situation d’avoir à annoncer mon décès pour cause de Covid-19 sur le blog, vu tout ce que j’avais écrit sur la question ces derniers temps, j’aurais plus l’air d’un con que d’un archevêque (ce qui, je dois l’avouer est une hypothèse envisageable vu que jusqu’à présent personne ne m’a pris pour un archevêque). Je lui rétorquai que quoi qu’il advienne, je ne reviendrais pas sur mes déclarations, vu qu’elle reflétaient parfaitement ce que je pense.

Ce matin, pas plus de fièvre que de beurre en broche, pas de désordres intestinaux non plus. Je crois que la cause de mon indisposition momentanée était l’excellente côte de porc au barbecue que je m’étais préparée la veille au soir et plus particulièrement au surdosage en piment de sa marinade. Que voulez-vous, j’aime les plats épicés et dans la vie tout se paye.  Quand on voit la photo de la coupable, on ne peut que se montrer indulgent à son égard : 

Arrivé à la fin de ce récit dont l’intérêt exceptionnel n’échappera à personne  pas plus qu’à son auteur, je me contenterai de répéter ce qui est pour moi une maxime : le pire n’est jamais garanti. Et d’ajouter accessoirement que quand il se produit, il faut bien faire avec. 

Je vous souhaite donc d’attaquer, comme moi, cette quatrième semaine de confinement avec confiance et bonne humeur.

*Mon médecin est une femme.

lundi 6 avril 2020

Un étrange compagnon





Depuis quelques jours, profitant de l’inhabituel beau temps, j’en entrepris de préparer mon terrain en vue de la plantation des patates mises à germer devant une fenêtre. Pour cela, je passe au croc la terre que j’avais labourée à l’automne afin d’en retirer les mauvaises herbes et de l’ameublir. Il y a deux ou trois jours j’aperçus un merle à un peu plus d’un mètre de moi. Il tournait sa tête dans tous les sens. Tout à coup, de quelques bonds, il s’approcha, saisit dans son bec un lombric, avant de reprendre un peu de distance en sautillant. Il se mit alors en devoir de picorer le malheureux ver sans se soucier de ma proximité. Je m’approchai même sans qu’il ne paraisse se méfier. J’allai alors chercher mon téléphone afin de filmer la scène mais à mon retour l’oiseau s’était envolé.

Depuis, chaque jour il me rend des visites intéressées. Il surveille mon travail et dès que l’occasion se présente, il se hâte de saisir d’un coup de bec les proies que je mets à jour. Des lombrics en général mais hier ce fut un ver blanc (larve de hanneton) qui connut un triste sort. Sans vouloir le vexer, je dois dire qu’avec sa larve au bec, il avait l’air plus con que glorieux.

Qu’un rouge-gorge vienne surveiller de près l’avancement de mes travaux de bêchage afin d’en tirer parti est habituel. C’est tout juste si ces petits impertinents ne viennent pas se jucher sur ma bêche afin d’être au plus près d’éventuelle nourriture. Si je signale ce fait c’est qu’en des décennies de jardinage, je n’avais jamais vu un merle si peu farouche. Peut-être qu’une longue fréquentation des jardins sourdevalais lui a appris que l’homme ne représentait pas un réel danger pour lui et que la balance risques/avantages penchait du côté des derniers.

Je ne suis pas parvenu à filmer ni photographier mon voleur, celui qui, en le privant de ses précieux lombrics appauvrit mon terrain. C’est donc d’une photo empruntée au net que j’ai illustré mon article. La ressemblance avec le mien est frappante, comme celle du vers qu’il tient dans son bec avec ceux dont il prive mon jardin.