Hier, je suis allé faire quelques
courses. Quelle inconscience diront certains ! Je suis même
sorti une deuxième fois dans la soirée et une troisième ce matin,
quelques secondes seulement certes, mais ça n’en fait pas moins de
moi un dangereux criminel. Ces deux dernières
escapades s’expliquent par l’entêtement que mettait ma poubelle
à refuser d’obéir à l’injonction que je lui fis d’aller se
positionner au bord du trottoir en vue de la collecte d’ordures du
matin puis à l’ordre que je lui donnai de rentrer une fois
celle-ci faite. Je n’ai durant ces deux infractions (je n’avais
pas sur moi d’attestation de déplacement dérogatoire) croisé ni
même aperçu personne. Il serait cependant étonnant que j’aie pu,
ce faisant, contaminer qui que ce soit ou me trouver contaminé.
Ces
actions irresponsables seront blâmées par les ayatollahs du
confinement qui, à mon sens, n’ont pas bien compris en quoi
celui-ci consistait ni les buts qui sont les siens. Si j’ai bien
suivi, il s’agit de réduire au maximum les contacts entre humains
et ainsi de retarder la progression d’une contamination
difficilement évitable et d’éviter l’engorgement des services
de soins. Sortir n’est donc pas une faute en soi et d’autant
moins que ce faisant on respecte les recommandations de sécurité.
Ce qui se trouve être le cas dans le petit coin de France que
j’habite.
Donc,
bravant mes peurs (ce qui fut d’autant plus facile que celles-ci
sont très modérées) , et porteur de l’attestation idoine, je me
rendis d’abord à la poissonnerie, passai par la supérette avant
de me rendre à la boulangerie. Mes fidèles et attentifs lecteurs
auront noté qu’au lieu de me rendre au Leclerc de Vire comme
d’habitude j’étais resté dans mon village. Et cela parce qu’il
me semblait, et ça s’est vérifié, qu’il était plus simple de
respecter les préconisations sanitaires dans de petits commerces que
dans des grandes surfaces.
Que ce soit à la poissonnerie ou à la
boulangerie, vue l’exiguïté des locaux, un seul client entrait
dans la boutique tandis que les autres attendaient sagement à
l’extérieur à bonne distance les uns des autres. A la supérette,
il y avait un peu plus de monde mais pas au point que les gens ne
puissent garder leurs distances. La caissière dut signaler son
erreur à une pauvre vieille bien gâteuse qui n’avait pas remarqué
que les gens faisaient la queue dans une allée à un mètre au moins
les uns des autres et était venue en toute innocence se coller à
celui qui passait à la caisse. Elle obtempéra. A-t-elle
contaminé ? Fut-elle contaminée ? A part cette entorse,
je ne pus que constater le civisme des gens, ce qui est rassurant.
En
rentrant chez moi, j’eus le cœur un peu serré de voir une vieille
voisine assise sur le pas de sa porte, sans doute dans l’attente de
pouvoir échanger quelques mots avec d’éventuels passants. La
pauvre semble avoir un besoin d’échanges pressant qu’elle
remplissait naguère en parlant de son jardin au restaurateur d’à
côté. L’établissement a fermé… Je plains ceux qui, comme
elle, redoutent la solitude.
Certains
prônent un renforcement du confinement. Il est vrai qu’on pourrait
TOUT arrêter et, pourquoi pas, même les hôpitaux. Bien entendu,
bien des gens mourraient de faim mais certains en bonne santé !
Plus que d’édicter de nouvelles contraintes, il me semble que si
on se contentait de veiller à l’application de celles déjà
imposées, ce serait déjà pas mal. Surtout qu’on ne voit pas
pourquoi il serait plus facile d’imposer des mesures drastiques
quand on ne parvient pas à faire appliquer celles qui existent. Sans
civisme, point de salut. Hélas, il semblerait que pour certains le
mot civisme appartienne à une langue étrangère.