En ces temps de grande angoisse, je
crois qu’il est utile de détendre un peu l’atmosphère. Quel
meilleur sujet pour ce faire que d’évoquer la mort ? C’est
un sujet que l’épidémie rend très tendance sans nuire à sa
constante actualité. Figurez vous que si, comme il est de bon ton de
s’y attendre, les 67 millions d’habitants que compte notre cher
et beau pays se trouvaient contaminés, au taux actuel de létalité
de 2 % (chiffre contestable vu le fait que les porteurs sains ne
sont pas recensés, ce qui laisse penser que le taux réel est
inférieur mais le temps est-il à la ratiocination?) nous nous
trouverions avec 1 340 000 morts sur les bras ! Quand je dis
« nous », je fais preuve d’un optimisme injustifié, vu
qu’il se pourrait très bien que je fasse partie des victimes. Ce
qui n’est pas rien. En même temps, pour reprendre la formule tant
appréciée de notre coûteux président (j’ai choisi un synonyme
de cher pour ne pas faire de peine à ceux qui ne le portent pas dans
leur cœur*), ce n’est pas tout, vu qu’il resterait plus de 65
000 000 de plus ou moins braves gens pour peupler notre Douce France.
Bien
que remontant à la plus haute antiquité et que personne ne soit
parvenu jusqu’à preuve du contraire à lui échapper, la mort a
toujours beaucoup de mal à se faire accepter. Je pense même que nos
contemporains répugnent de plus en plus à envisager son inéluctable
survenue. La prolongation récente de l’espérance de vie, en la
repoussant à une date de plus en plus lointaine aide certains à en
oublier la menace. Pas plus tard qu’hier, ma coiffeuse me vantait
même la vie merveilleuse d’une cliente nonagénaire qui vivait
encore chez elle ! Il est vrai qu’on oublie parfois de se
réjouir comme il siérait de ne pas se retrouver enfermé dans un
EHPAD !
Certains
ont la foi en une vie éternelle. Curieusement, cela ne semble pas
toujours, comme on pourrait s’y attendre, les rendre capables
d’envisager sereinement de quitter cette vallée de larmes pour un
monde meilleur. Personnellement je ne partage pas cette croyance et
son absence ne me chagrine pas. Me considérant comme un être
limité, je craindrais même de me trouver confronté à un infini
auquel rien ne m’a préparé.
Je
me souviens avoir étudié au lycée un texte de Montaigne où il
écrivait que « philosopher c’est apprendre à mourir ».
Soit. Mais si en plus ça pouvait apprendre un peu à vivre, ce ne
serait pas mal non plus. Quoi qu’il en soit, j’ai commencé cet
apprentissage très tôt. Du coup,
passée la prime jeunesse où comme tout un chacun je n’y croyais
pas trop (c’est pourquoi les jeunes conduisent comme des patates et
partent plus volontiers à la guerre que leurs aînés), j’ai assez
rapidement apprivoisé l’idée de ma disparition. Je disais, il y a
une bonne quinzaine d’années,à mon frère aîné : « J’ai
fait l’essentiel de ce que j’avais à faire, je peux donc partir
n’importe quand. ». Il ne s’agit pas là à mes yeux d’un
quelconque pessimisme mais d’une évidence. Surtout qu’il se
serait pu que je meure avant d’avoir fait quoi que ce soit
d’intéressant. Je m’étonne même parfois d’avoir atteint ma
soixante-dixième année, vu le peu de prudence qui a toujours été
le mien.
Je
ne cherche pas plus à précipiter ma fin qu’à en retarder
l’échéance. N’importe comment, ce ne sera pas moi qui déciderai
mais les circonstances. Je vis comme je l’entends, j’aimerais
bien mener à bonne fin certains projets cruciaux comme retapisser ma
cage d’escalier, rénover ma salle de bains, finir de mettre,
autant que faire se peut, aux normes mon installation électrique et
mettre de l’ordre dans mes papiers pour faciliter les choses à ma
fille mais, encore une fois, ce ne sera pas moi qui déciderai si ce
temps me sera accordé.
Du
coup, devant la psychose qui semble s’emparer de nombre de mes
contemporains face à la pandémie en cours, je reste quasiment de
marbre. Que l’avenir me donne raison ou non, qu’importe ?
Comme l’écrivait ma fidèle commentatrice Mildred « Se
bisogna morire moriamo » (si nous devons mourir, mourons).
Telle est ma vision des choses.
PS :
J’apprends avec horreur qu’un pangolin serait à l’origine de
la transmission à l’homme du COVID-19 ! Moi qui vous
recommandais, il y a quatre jours seulement, d’employer cet animal
pour débarrasser votre logement des vermines ! J’espère que,
pour une fois, vous n’aurez pas suivi mon conseil !
*
J’en fais partie mais, souffrant d’une sévère atrophie de la
glande haineuse, il ne m’agace guère plus que ses prédécesseurs.