Hier, en fin d'après-midi, je suis
arrivé en Limousin. Tout semblait aller bien : la maison
n'avait pas brûlé, elle n'était pas squattée, l'humidité
n'empêchait pas l'ouverture des portes, le terrain ne s'était pas
transformé en jungle. Le seul petit inconvénient, ô combien
prévisible, était qu'il y faisait un brin frisquet. Rien à quoi la
remise en route du chauffage accompagné d'une bonne flambée ne
puisse remédier. J'allumai donc un feu et descendis à la cave pour
y chercher plus de bois et c'est là qu'une surprise m'attendait.
Lorsque je m'approchai du tas de
planches qui me sert de combustible, une chose me sauta aux yeux :
de curieuses excroissances blanches sortaient ici et là dudit tas.
Je soulevai les morceaux de bois supérieurs et pus constater que
pratiquement toutes les planches étaient envahies d'une substance
généralement blanche et par endroit brune. Immédiatement je
pensais à « Un mal qui répand la terreur, Mal que le Ciel
en sa fureur Inventa pour punir les propirétaires La mérule,
puisqu'il fat l'appeler par son nom ». Ayant ensaché mes
planches malades dans des sac à gravats, j'en débarrassai la cave
avant de me précipiter sur le Net pour vérifier si mon appréhension
était fondée. J'examinai moult photos. Je sais que nous sommes
supposés avoir six sosies sur Terre. Eh bien en l’occurrence, si
mon envahisseur n'était pas une mérule, il s'agissait d'un de ses
sosies parfaits !
Cela n'avait rien d'étonnant. Voici 4
ans, le plafond de la cave fut en partie traitée pour une attaque de
mérule par un spécialiste pour la modique somme de 2000 et quelques
Euros. Seulement, l'homme de l'art avait bien précisé que sa
garantie décennale ne pouvait concerner que la partie par lui
traitée et à la condition que fussent supprimées les sources
d'humidité et que les bois concernés fussent asséchés. Si cette
dernière condition semblait avoir été respectée, pour l'autre, il
n'en fut rien. Ce qui peut s'expliquer par le fait que la cave ayant
été grossièrement taillée ans la roche, en assurer l'assèchement
semble problématique. Quoi qu'il en soit, le technicien semblait
penser probable une récidive.
En entreposant mon bois à même le sol
de la cave, j'offrais à d'éventuelles spores de mérule les
conditions optimales pour se développer : du bois humide et une
atmosphère confinée. Sans compter que les persistantes chaleurs de
cette année ne pouvaient que favoriser leur développement.
Il semble cependant que dans mon
malheur j'aie un peu de chance : mon bois se trouvant entreposé
dans une encoignure entre deux murs de pierre à joints cimentés et
loin de tout plancher ou charpente, il ne semble pas que ces éléments
aient été contaminés. D'autre part, le bois n'ayant pas été
dévoré il se peut que cet aimable champignon se soit contenté de
vivre sur ses acquis. Il est donc probable que l'infection soit
localisée.
J'ai donc décidé pour l'instant de me
contenter de brûler tout le bois visiblement ou non contaminé, de
passer murs et sols au chalumeau et de contacter un homme de l'art
afin de voir ce qu'il siérait de faire pour diminuer l'humidité et
la ventilation des lieux, conditions sine qua non d'une efficace et
pérenne lutte contre ce fléau. En attendant une solution, je me
contenterai de surveiller de près les parties boisées de la maison
lesquelles ont été rendue visibles grâce à la suppression de
l'isolation qui les recouvraient naguère.
Toutefois, vu que,comme dit le proverbe
« A quelque chose malheur est bon »,
l'incinération des planches fait qu'au lieu des 13 petits degrés
qui régnaient à mon arrivée nous atteignons maintenant allègrement
les 23° sans que les radiateurs tournent. Elle est pas belle la
vie ?