Comme elle ne recule devant aucun sacrifice afin de me gâter, ma fille m'a offert à l'occasion de mon récent
anniversaire le dernier opus de M. Zemmour. J'avoue en être ravi. Je
n'en ai terminé que la première partie mais je ne pense pas que la
suite soit en mesure de me décevoir. Car le bon Éric possède un
talent certain pour exposer des idées complexes de manière claire
et intelligible. C'est une qualité rare que je n'ai, hélas, que rarement
rencontrée chez les professeurs du supérieur.
De quoi s'agit-il ? D'un essai sur
l'histoire de France. J'ai entendu un commentateur déclarer que
c'était un ouvrage autobiographique. A moins que M.Zemmour, dans les
parties suivantes, ne se mette à nous faire part de ses joies, de
ses peines et des menus tracas que l'on rencontre quand on s'éloigne
des sentier battus et rebattus par l'auto-proclamé camp du bien, je
soupçonne ce consciencieux homme de media de n'en avoir lu que
l'introduction. C'est déjà quelque chose car ce qui m'a été donné
d'entendre lors de débats autour de ce livre me donne l'impression
que peu de ses collègues se sont donnés ce mal et ont préféré
n'en lire ici ou là que quelques bribes afin d'y trouver la phrase
scandaleuse qu'ils pourraient lui jeter à la face afin de donner
urbi et obi la preuve de sa nature foncièrement mauvaise.
La première partie que je viens de
terminer s'intitule Le temps des fondations. On y croise, dans
l'ordre chronologique des souverains comme, entre autres, Clovis,
Saint Louis, Charles VII ou François Ier mais aussi des personnages
moins éminents mais non dénués d'importance, symbolique ou réelle,
comme Roland, Le Grand Ferré ou l'évêque Cauchon. Chacun évoqué
pour le rôle par lui tenu dans la création ou l'évolution de
l’État et/ou de l'imaginaire Français. Bien sûr,tout cela est
sous-tendu par la conception que M. Zemmour se fait de la France et
de son histoire. On peut y souscrire. Ou pas. Je me garderai bien de
prendre parti.
Tous les historiens nous racontent des
histoires. Chacun la sienne. Entendons-nous bien, je ne veux pas dire
qu'ils nous débitent une série de bobards. Je soupçonne la
quasi-totalité d'entre eux d'être d'honnêtes gens ayant usé leurs
yeux à déchiffrer de plus ou moins antiques documents pour
informer de leur contenu un bon peuple avide de connaissances.
Seulement on ne peut ce faisant éviter de nombreuses embûches.
D'abord plus les documents abondent plus la sélection s'impose.
Reste à savoir sur quelle base s'opère la sélection. Quand on se
propose de narrer l'histoire d'un pays on peut hésiter entre relater
celle de son peuple, celle de ses grands hommes ou proposer un
mélange des deux. L'historien est tenu à des choix, lesquels sont
liés à son idéologie, aux circonstances du temps présents, aux
modes, etc. On voit mal un historien marxiste faire le panégyrique
de Napoléon ou un royaliste porter aux nues Robespierre. La tendance
à porter sur le passé un regard trop conditionné par les valeurs
en cours aujourd'hui, hier ou demain nuit grandement au rêve
d'objectivité. J'ai longtemps vu le roi Louis XI dépeint comme un
homme cruel, mesquin, avare, superstitieux, bref un bien triste sire.
Et puis certains se sont mis à voir en lui un grand roi ayant un
sens aigu de l'État.
Son lecteur ne vaut pas mieux que lui :
selon ses a priori, l'historien sera crédible ou non.
M. Zemmour n'échappe pas à la règle.
Peut-on lui en vouloir ? Si pour lui, la France est le produit
d'une histoire et que cette histoire est considérée à travers le
prisme de ses convictions, il n'y a là rien de plus naturel. Libre
à chacun d'y souscrire ou non. Il n'en reste pas moins qu'avec un
style élégant l'auteur nous entraîne dans une agréable promenade
à travers l'histoire de notre pays. Un livre à lire quand on n'est
pas de gauche.