Admettons que je sois chassé de mon
pays par une guerre meurtrière, cruelle et pour tout dire pas
sympathique, bref, par une guerre. A moins que ce ne soit par la
misère. Je me réfugie donc à quelques milliers de kilomètres de
ma patrie : on n'est jamais trop prévoyant en matière de
distance de s écurité. De plus, il y a refuge et refuge. Moi,
celui qui me séduit le plus c'est le britannique. D'une manière ou
d'une autre, souvent à grand frais, je parviens à Calais. Je m'y
installe dans ce qu'on appelle la Jungle.
Ce n'est pas le top du confort mais il
ne s'agit que d'une plate forme de départ. Faut faire avec ce qu'on
a. A partir de cette base arrière, je tente de traverser la Manche.
Ce n'est pas gagné d'avance car rien n'est fait pour me faciliter la
croisière. De mauvais esprits iraient jusqu'à dire que tout est
fait pour m'en dissuader. On met des clôtures, on fouille les
camions, on construit même un mur. De plus, le Calaisien n'est pas
ravi de ma présence pas plus que de celle de mes compagnons de
galère lesquels se comptent par milliers.
Devant le trouble à l'ordre public
provoqué par la Jungle, le gouvernement français décide de la
démanteler. Pour ce faire, on va créer, un peu partout sur le
territoire, des centres idoines. Un peu partout (sauf dans les media de "service public") les locaux vont jusqu'à exprimer des réserves sur l'arrivée
de ces nouveaux arrivants. Le plouc est rétif à l'enrichissement
(au point d'exercer une profession peu rentable).
Seulement a-t-il raison de s'alarmer à
l'idée que s'installe une Mini-Jungle en ses verts pâturages ?
Je crains que non. Car pour qui désire se rendre en
Grande-Bretagne, se retrouver au fin fond de la Lozère, du Cantal ou
de l'Aveyron (pour ne rien dire de la Corrèze), est-il acceptable ?
Les navires mettant le cap sur Albion au départ de Rodez, de Mende
ou d'Aurillac (voire de Tulle) ne sont pas légion. Si mon désir de
paradis anglais ne m'a pas quitté, que ferai-je ? N'oublions
pas que les kilomètres ne me font pas peur... N'aurai-je pas
tendance à tenter de rejoindre des rivages d'où appareillent moult
vaisseaux vers les blanches falaises de Douvres et d'autres lieux
côtiers ?
Il ne serait donc pas étonnant de voir
les réfugrants quitter le Massif Central à peine arrivés pour se
diriger vers Les Hauts de France. Comment, sauf à effectuer des
contrôles au faciès et à ramener manu militari les fugueurs à
leur centre d'affectation, pourrait-on s'y opposer ? Et une fois
revenus, ne se pourrait-il pas qu'il recréent ici ou là de nouveaux
campements provisoires ?
Cette histoire de démantèlement
imminent me paraît donc peu convaincante. Sans compter qu'on peut
s'attendre à ce que cette évacuation provoque quelques menues
perturbations de l'ordre public par les no-borders et autres belles
âmes au cocktail Molotov facile. Aura-t-on le courage de remettre
ces braves gens à leur juste place, fût-ce au prix d'actions
musclées ?
Mais bon, notre excellent président
s'est engagé à démanteler. Quand on voit avec quel succès il a su
inverser la courbe du chômage, comment pourrait-on douter du
succès de son plan ?