Jean a un couteau. De temps à autre la
lame s'use et il la change. Quand le manche est HS, il en met un
autre. Mais ça demeure le couteau de Jean. Supposons qu'il ne se
donne pas la peine de le réparer, qu'arrivera-t-il ? Viendra un
jour où manche et lame seront en un tel état que Jean n'aura
d'autre choix que de jeter son couteau et d'en acheter un autre. Ce
sera le nouveau couteau de Jean et l'ancien ne sera plus qu'un
souvenir.
Ça y est : le père Étienne est
complètement gâteux. Il nous raconte une histoire sans plus
d'intérêt que de rapport avec le titre de son billet. A moins qu'il
ne s'agisse d'une métaphore. Ceux qui auront choisi la deuxième
hypothèse ont raison. Cette histoire de couteau illustre ma manière
de considérer la restauration ou l'entretien des maisons ou des
objets.
Beaucoup sont d'avis qu'il faudrait
laisser bâtiments ou meubles « dans leur jus ». Ce
serait « authentique ». Comme si le buffet de l'arrière
grand mère avait été confectionné en bois vermoulu ! Comme
si cette maison multicentenaire avait été construite en pierre
érodée. Comme si le respect consistait soit à laisser les choses
aller vers leur perte où à arrêter leur décrépitude à un
instant I.
Je vois les choses différemment et il
me semble que ce respect de l'usure des temps est un signe de plus de
la haine que se porte notre époque. Si nos ancêtres avaient eu la
même attitude que nous resterait-il comme monuments ? Des tas
de pierres dans le meilleur des cas. Si Viollet-le-duc avait montré
le même respect sourcilleux, à quoi ressembleraient, entre autres,
Notre-Dame de Paris, Carcassonne ou la Sainte-Chapelle ?
De même nos aïeux n'hésitaient pas à
accoler des constructions modernes aux bâtiments anciens ou à
continuer un même édifice dans un style différent. Les clochers
dissemblables de Chartres en témoignent. À mon sens, construire des
immeubles modernes dans des îlots anciens n'a rien de choquant.
Vouloir figer un quartier dans le temps, est une erreur. Toutefois
les ajouts contemporains se devraient d'être de qualité.
Cela dit, je vais aller tondre la
pelouse car après-demain je retourne en Corrèze.