Emmanuel Macron, boute-feu notoire,
vient de provoquer une sacrée tempête dans le verre d'eau
politico-médiatique. Face à un Bourdin que j'espère médusé,
n'a-t-il pas osé déclarer que "La
vie d'un entrepreneur est bien plus dure que celle d'un salarié" !
On
croit rêver ! Boirait-il ? Serait-il atteint de démence
juvénile ?
Tout le monde le sait : le chef
d'entreprise, quelle que soit la taille de cette dernière, se la
coule douce, va de fête en fête accompagné de pulpeuses beautés,
se fait péter la sous-ventrière à coup de vins et de mets fins,
roule dans de luxueuses limousines et habite un palais. Quand la
fantaisie l'en prend, il licencie sans raison aucune les pauvres
hères dont l'exploitation assure son train de vie de nabab et la
pérennité de sa fortune.
Le salarié, lui trime dur de l'aube au
coucher du soleil (quand sa misère ne le condamne pas à rejoindre
alors un autre poste), rentre épuisé dans un sordide galetas, a
pour toute fête les documentaires d'Arte sur la Shoa, se nourrit
frugalement de produits douteux arrosés d'eau du robinet et
s'entasse dans des transports en commun quand ses moyens lui
permettent de laisser son vélo au taudis. Avec pour seule
perspective un prochain licenciement menant à une encore pire
misère. Car le fruit de son travail est confisqué par son
ploutocrate de patron.
Et si la vérité était un chouia
différente ? Si on quittait la caricature pour la réalité ?
Car la réalité des entreprises est souvent tout autre. Un haut
niveau de vie est certes assuré aux patrons du CAC 40 comme leur
sont octroyés retraites-chapeau et parachutes dorés. De là à ce
qu'ils mènent une vie de rêve, il y a de la marge. Et quand bien
même la vivraient-ils, que représentent-ils ? Ils n'emploient
qu'une faible proportion des salariés. Le reste travaille dans de
moyennes, petites, voire minuscules, entreprises gérées par des patrons
dont la vie n'est pas toujours un lit de roses.
Quand tout va bien, le petit patron
bénéficie d'un train de vie supérieur à celui de ses employés,
c'est certain. Mais pour cela, il lui faut trouver des marchés sur
lesquels écouler ses produits, ses marchandises ou ses services. Il
est soumis à la concurrence. Il lui faut donc sans cesse s'en
préoccuper : quand la conjoncture est bonne, il faut savoir en
profiter, quand elle est moins favorable, ce n'est pas le moment de
se relâcher. Du coup, les cinq semaines de vacances et les 35
heures, c'est plutôt pour les salariés.
Et quand les choses tournent au
vinaigre ? Quand, pour une raison ou pour une autre
(gouvernement socialiste, crise économique, etc.) de graves
difficultés se profilent ? Qui est le plus mal loti ? Ça
peut paraître curieux, mais le petit patron, quand il rencontre un
vrai coup de mou ne s'empresse pas de mettre ses employés à la
porte ne serait-ce que parce qu'il en a besoin, qu'il espère un
mieux et que même s'il s'y résignait sa trésorerie ne lui
permettrait pas forcément de leur payer les indemnités dues. Et les
trous se creusent... Si rien ne s'arrange, une fois qu'il a bouché
les trous de l'entreprise en liquidant ses avoir et qu'il s'est
endetté plus que de raison, la solution s'impose : il met la
clé sous la porte. Le salarié se verra régler son dû, aura droit
au chômage. Le petit patron, lui n'aura droit à rien. S'il n'est
que ruiné, ça peut encore aller mais s'il a des dettes envers les
organismes sociaux ou le fisc, il n'est pas sorti de l'auberge.
L'employé, sera considéré comme une victime, si le marché de
l'emploi le permet, il retrouvera un poste. Un passé d'entrepreneur
ne facilite pas la soumission. De plus, l'échec sur lequel il reste,
même s'il n'a pas trop de conséquences sur sa bonne humeur, fait
qu'un éventuel employeur suspectera ses aptitudes. Ça ne facilite
pas le réemploi.
Résumons nous : Dans le meilleur
des cas, une certaine aisance au prix de beaucoup de travail, dans le
pire une ruine totale et durable. Est-ce si enviable ?