Allez paf, encore un Michel qui nous
claque entre les doigts ! Ce coup-ci, c'est le modèle de chez
Tournier qui a avalé son bulletin de naissance. Un modèle qui avait
fait bien de l'usage. Quatre-vingt onze ans au compteur : il
avait fait du rab le Michou. Dire que j'en suis tourneboulé serait
exagéré. J'ai le vague souvenir d'avoir, influencé par la rumeur
publique qui en colportait le plus grand bien, ouvert son Robinson
et l'avoir trouvé bien chiant. En ai-je seulement terminé la
lecture ? Qu'importe ? Un Michel de plus vient d'être
fauché. Pour que l'affaire fût parfaite, il eût fallu qu'il eût
soixante-neuf ans mais on ne choisit pas sa date de naissance, que
voulez-vous.
Il y aurait donc une malédiction des
Michel. Je n'y crois pas un instant. Si tant de Michel referment leur
parapluie, c'est que des Michel il y en a eu des tas, un temps fut.
Alors, sur le tas des calanchés du début d'année, on en retrouve
fatalement plusieurs. D'ici trois ou quatre décennies, ils
n'encombreront plus les oraisons funèbres. Pas plus que ne le feront
les Jacques, les Jean-Quelque-Chose, les Gérard, les Alain. Les
prénoms qui faisaient florès dans ma jeunesse ne sont plus donnés.
Sur des centaines d'élèves, ces dernières décennies, je n'ai
rencontré qu'un seul Jacques, pas plus de Jean, quelques Pierre,
quelques Paul (prénom ringard dans les années cinquante) et pas le
moindre Michel. Les Jules, avec un parfum suranné d'avant-guerre de
14, revenaient un peu.
De nos jours, musulmans mis à part, on
fait dans l'original, on innove, on se distingue. On les veut
exceptionnels, ses enfants. Bien sûr, pour la plupart, ça
s'arrêtera au prénom. C'est déjà ça. Ça entraînera la fin des
hécatombes. Faudra que les journaleux trouvent autre chose. Je leur
fais confiance.