Réformer l’école est une manie chez les politiques. Tout
ministre de l’ « Éducation » qui se respecte, si on lui en laisse
le temps (car le poste est hautement instable), met un point d’honneur à
accoucher d’une réformette que son successeur remettra en question. Malgré tous
ces louables efforts, il semblerait qu’objectivement le niveau moyen soit en
baisse et que cette formidable machine de guerre contre l’ « obscurantisme »
qu’est l’E N, qu’on lui adjoigne ou qu’on lui retire quelques milliers de
hussards chamarrés, produise un contingent de plus en plus nombreux d’illettrés
ayant recours à une calculette pour connaître approximativement le nombre de
doigts que compte leur main.
Pour ne pas être en reste, Mme Vallaud-Belkacem s’est attelée
à réformer le collège, soi-disant maillon faible de la chaîne éducative (ce qui
laisse supposer à tort que les autres seraient forts). Mal lui en a pris, vu qu’on
assiste à une levée de boucliers de diverses origines. Curieusement, ses
adversaires semblent défendre le collège d’aujourd’hui contre celui de demain
et apparaissent de facto partisans du statu quo ante. On parle de nivellement
par le bas comme si jusqu’ici il s’était fait par le haut. On défend l’excellence
comme si, en dehors de quelques îlots de résistance, cette notion prévalait en
tous lieux. Que la réforme Vallaud-Belkacemienne s’inscrive dans le droit fil
de celles qui l’ont précédée avec les résultats que l’on sait ne fait aucun
doute mais plutôt que de pinailler sur tel ou tel point de détail, il faudrait
avant tout s’interroger sur les finalités que l’on assigne à l’école.
Doit-elle « éduquer » ou instruire ? S’agit-il
du lieu où chacun peut réaliser son potentiel ou d’une fabrique de clones ?
A-t-elle pour mission de pallier les inévitables inégalités culturelles ou d’offrir
à un maximum de ses élèves les clés leur permettront d’accéder, si tel est leur
bon plaisir, à la connaissance ? Doit-elle sacrifier les savoirs fondamentaux
au profit d’un gloubi-boulga à prétentions humanistes ? Chaque enfant est-il doté des mêmes capacités
à apprendre ou en a-t-il seulement la même envie ?
Selon les réponses qu’on apportera à ces questions, se dessinera ce que pourrait être une institution
scolaire efficace. Il n’est pas certain qu’un consensus se dégage sur ce sujet. Et puis, après tout, une société n'a-t-elle pas l'école qu'elle mérite ?