Je suis en passe de terminer ma lecture d’un quatrième roman
de M. Wodehouse. Un et demi fut lu en traduction française, deux et demi le
furent dans le texte. Lors d’un premier article, j’en vantai la pureté et l’élégance
de la langue et m’aventurai à en juger la traduction aisée. J’avais tort. En
fait, la facilité de lecture masque habilement certaines des caractéristiques
de l’écriture, laquelle use et abuse d’idiotismes et autres comparaisons et
métaphores auxquelles il serait très difficile de trouver des équivalents
français. Wooster, par exemple, s’exprime dans un idiolecte pour le moins
particulier truffé, entre autres, d’abréviation,
d’audacieuses métaphores et d’allusions à des personnages qui lui sont
contemporains, totalement inconnus de nous et n’ayant pas forcément d’équivalents Français. Sa
traduction ne saurait donc que perdre en couleur. Il en va tout autrement de
Jeeves qui parle comme la reine, en plus compassé.
Il n’empêche que, faute d’une maîtrise suffisante de l’anglais,
la lecture des traductions n’en demeure pas moins hautement agréable et recommandable.
Et pourtant…
La recette de M. Wodehouse est assez simple. Vous prenez des
personnages appartenant à l’aristocratie ou aux hautes sphères de la société
anglaise ou américaine. Quand ils ne sont pas des milliardaires d’outre-Atlantique,
ils sont bien entendu passés par Eton ou une prestigieuse public school avant de
rejoindre, avec un dilettantisme de bon aloi, l’Université d’Oxford. Riches ou non, ils
bénéficient donc d’une bonne éducation et appartiennent au même monde, un bien
petit monde qui fait que tous s’y connaissent ou reconnaissent quand ils ne
sont pas vaguement parents. Les jeunes gens y sont sujet au (x) coup (s) de foudre
mais connaissent des amours pleines de rebondissements suite à une capacité peu
commune à de soudaines sautes d’humeur que créent divers malentendus. Les
tantes y sont conservatrices et s’opposent, s’il en était besoin, à leurs amours
naissantes mais spontanément houleuses. Il faut bien, pour qu’intrigue il y ait, un événement déclencheur.
Il s’agit souvent d’un objet (ou d’un animal) qu’un malfaisant quelconque
convoite, s’approprie avant de le perdre à nouveau et qu’il ne passe par des
mains ou des lieux improbables, tout cela entraînant d’échevelées péripéties
qui finalement mènent à un heureux dénouement grâce aux abracadabrantes manigances
d’un majordome ou d’un vieil oncle noceur autant que farceur qui permettent aux amoureux de convoler en
justes noces et au propriétaire de retrouver son bien. Tout cela est
extrêmement capilotracté et semé d’invraisemblables coïncidences.
Ce qui est merveilleux, au sens propre, dans tout cela, c’est
le talent de PG Wodehouse qui parvient à éviter que ces ingrédients, plutôt que
de composer une bouillie aussi lourde et infâme qu’indigeste participent à la
composition de romans agréables dont on est impatient de connaître la suite et
qui nous réjouissent, page après page, par l’humour et la légèreté de leur ton.
Chapeau l’artiste, fallait le faire !