Les Soviets ont eu, il y a longtemps, leur Homme d’acier,
les Britanniques leur Dame de fer dans les années quatre-vingts. Nous, avec toujours
un peu de retard à l’allumage, il nous a fallu attendre 2012 pour qu’à notre
tête se trouvât un homme à la fois résistant et inaltérable comme sait l’être l’acier
inoxydable. C’est ce que je me disais en regardant les images de M. François
Hollande inaugurant de nouveaux chrysanthèmes sur l’île de Sein. Seul l’acier
peut rivaliser en dureté avec notre président. En effet, à un journaliste qui
lui demandait de commenter la démission du premier (combien y en aura-t-il ?)
gouvernement Valls, notre cher président a déclaré, avec cette mâle concision que
seuls possèdent les vrais leaders : « Je ne parle pas, j’agis !».
Pour ce qui est de l’inaltérabilité, il suffisait de voir avec quelle fière indifférence il recevait le déluge seinan et
de se souvenir de combien de fois, il s’était fait, lunettes dégoulinantes et rare
cheveu détrempé, saucer lors d’une
occasion officielle pour acquérir la conviction que sa forte nature le mettait à
l’abri de toute oxydation.
Cela dit, l’inaltérable homme d’action est tout de même bel
et bien dans la merde. Soutenu par une poignée de plus en plus restreinte d’irréductibles
Bataves dont certaines analyses politiques égalent les prévisions économiques
de leur idole (voir ce billet), il
se trouve dans une situation délicate.
Le PS a toujours été un agglomérat hétérogène de gens dont
les leaders ont pour tout objectif d’occuper un poste électif et éventuellement
ministériel. Pour y parvenir, il leur faut ménager la chèvre gauchiste et le
chou centriste. Grâce à des alliances électorales qui les obligent à un écart
encore plus grand, il arrive que, par hasard, quand les circonstances s’y
prêtent, un de leurs spécialistes des magouilles d’appareil (l’Homme d’inox en
est un, et un beau) parvienne à se faire élire. Et là commence le drame. Car si,
pour parvenir à un poste, on peut s’unir, l’élection passée la carpe et le
lapin ne veulent plus entendre parler de mariage. Chacun retrouve sa vraie
nature et la majorité se délite. D’autant plus vite qu’un incendie ravage le
lac.
Jusqu’à nouvel ordre, la « politique mise en place »
n’a porté que des fruits bien amers. Du coup, les factions s’entraccusent d’être
à l’origine du fiasco. L’aile gauche
veut une relance par la demande tant il est vrai que les recettes qui n’ont
jamais mené à rien sont les meilleures. L’aile droite prétend, à coups de
réformettes, relancer l’offre. Réalistes timides et démagogues antédiluviens se
tiennent cependant par la barbichette car un réel divorce les amènerait devant un
électeur que son manque de jugement risquerait de pousser à ne pas les
reconduire. Ils sont, comme un ménage que seul l’intérêt réunit (en nos temps
troublés n’est-ce pas l’union la plus stable ?), condamnés à se supporter.
L’aile gauche continuera donc à avaler des couleuvres tout
en déclarant à qui veut l’entendre et la main sur le cœur son dégoût des
reptiles. A moins, bien entendu, que son fanatisme et une mauvaise appréciation
du climat politique général ne l’amène à se saborder en mettant le gouvernement
Valls 2 en minorité, provoquant ainsi une dissolution. On peut encore imaginer
que des troubles sociaux d’une intensité inouïe rendent tout statu quo
impossible. Ne possédant pas de boule de
cristal fiable et n’étant, par nature, pas joueur, je ne parierai sur aucune de
ces éventualités.
Toujours est-il que l’Homme d’inox est mal, quoi qu’il
arrive. La gauche de son parti et les alliés extrêmes de ce dernier le
vomissent ; quant au premier ministre qui mène sa droite il faudrait être peu
perspicace pour ne pas soupçonner son désir fervent de l’envoyer au plus vite se
faire voir chez plumeau et prendre sa place. Au dauphin si gentil de la chanson
ne restaient qu’Orléans, Beaugency, Notre-Dame de Cléry et Vendôme. Que
reste-t-il à notre président ? Mayotte ? Ce n’est même pas assuré… A
moins que la petite fée bleue ne lui accorde une reprise rapide et forte avec
inversion de courbe intégrée, je crains qu’il n’ait guère d’avenir et qu’il ne
laisse que le souvenir d’un calamiteux quinquennat.