Habiter à proximité d’une ferme « à l’ancienne »
présente de nombreux avantages notamment celui de décourager d’éventuels
cambrioleurs. Arrivés à la hauteur de ladite ferme, la couche de boue mêlée de
bouse qui recouvre la route fait penser aux malfaiteurs qu’ils sont arrivés
dans une cour de ferme, au bout d’une impasse. Dès lors ne leur reste qu’une
alternative : soit faire demi-tour, soit cambrioler la ferme. Cette
seconde possibilité n’est pas spécialement séduisante car les aboiements
furieux du chien qui patrouille le long de la clôture le font paraître d’une
amabilité bien relative et la vieille tradition paysanne qui fait qu’on a
souvent un fusil chargé à portée de main n’augurent rien de bon. Du coup, c’est
la première que choisissent tous ceux, et ils sont nombreux, qui tiennent à
conserver leurs tripes du bon côté de l’abdomen et leurs mollets et gorge en
état.
Un autre avantage est que, grâce à un changement de litière
des vaches point trop fréquent, on n’est jamais en manque de ce charmant animal
de compagnie nommé « mouche » (en l’occurrence, mouche charbonneuse,
car elle pique, la bougresse !). Terme générique qui regroupe bien des
espèces dont notre ami le taon qui ne manque pas de piquant. Mouche domestique, mouche
noire, bleue, verte, l’accompagnent.
Quel qu’en soit le type, la mouche est d’une compagnie
agréable, musicienne et joueuse ; elle participe également à la décoration d’une
maison. Son bourdonnement emplit la demeure et assure un fond sonore bien moins
déprimant et agaçant que les radios d’état. Animal joueur, elle évite au
lecteur ou au téléspectateur somnolent de sombrer dans le sommeil en lui infligeant une piqure bénigne ou un léger chatouillis. Quand elle est parvenue à éviter la torpeur de
l’homme, il arrive qu’elle insiste pour continuer le jeu. Son partenaire humain,
n’ayant aucun organe susceptible de la piquer, doit s’équiper d’une tapette à
mouche pour la taquiner à son tour. Lorsque la mouche ne parvient pas à s’envoler
à temps et éviter la tapette, elle abandonne la partie et se livre alors à une
sieste prolongée. Serait-elle mauvaise joueuse ? Du point de vue de la
décoration, il existe des rubans gluants qui, fixés à une poutre, attirent les
mouches en nombre. Elles finissent par y former une spirale bien noire avec de
ci-de là un éclat métallique bleu ou vert qui ajoute une touche élégante à bien des demeures rurales.
Bien que brève, la vie d’une mouche domestique est
fascinante. Elle connait des métamorphoses
et parvient à copuler tout en volant, avantage qu’elle partage avec,
notamment, les hôtesses de l’air, les commandants
de bord et les stewards. Ces derniers sont cependant moins prolifiques, car
notre amie peut pondre jusqu’à mille œufs d’où éclosent bien vite d’adorables
bambins, nommés asticots. Leurs parents, seraient probablement jugés indignes
selon des critères humains, vu qu’ils ne s’en occupent nullement après la ponte.
En génitrice prévoyante la mouche ne dépose cependant ses œufs qu’en des endroits susceptibles de leur offrir de
quoi subsister jusqu’à l’âge adulte (charognes, excréments, etc.) ce qui selon
notre conception des devoirs parentaux reste contestable.
Hélas, malgré toutes ses qualités, car en ce bas-monde rien
n’est parfait, ce diptère connait de menus défauts. Ainsi est-il le vecteur de
bien des maladies qui affectent hommes et bêtes. C’est pourquoi l’expression « enculeur
de mouche » désignant d’oiseux penseurs me paraît une métaphore peu
satisfaisante car de telles pratiques seraient bien plus dangereuses que l’inutile ratiocination.
Il y aurait certes bien d’autres choses à dire sur ce
passionnant sujet, mais craignant de lasser mes lecteurs, je me suis borné à l’essentiel.
Là-dessus, je vous souhaite une bonne soirée (ou journée suivant l’heure à
laquelle vous me lirez).