Selon Gabriel García Márquez, « Lorsqu’un homme commence à ressembler à son père c’est qu’il
commence à vieillir. ». Mouais… J’avais plutôt l’impression qu’on
commençait à vieillir dès la conception. Quant à ressembler à son père,
s’agit-il d’une ressemblance physique ou morale ? Pour ce qui est de
l’apparence, on a toujours une certaine similitude qu’elle soit de traits, de
morphologie générale ou d’attitudes acquises par mimétisme suite à une longue
fréquentation. Nier l’existence de tout « air de famille » me
paraîtrait abusif.
Maintenant, si je me suis récemment posé cette
question c’est qu’une chose m’a frappé : plus j’avance en âge, plus il
m’est difficile de rester tranquille à lire, regarder un film ou une série
télévisée quelconque. Il faut que je fasse quelque chose de mes mains. Ne
serait-ce que comme en ce moment taper des mots sur un clavier. Ce n’était pas
le cas auparavant, j’ai été un grand lecteur, j’ai aimé regarder films et
séries. Progressivement ces tendances que je qualifierais de contemplatives ont
cédé le pas à un goût marqué pour plus d’action. Au point que sauf
exceptionnelle sortie, une journée sans activités manuelles me laisse un goût
de plus en plus amer. Au point qu’il me faille m’établir un programme quotidien
d’action. Si je parviens, mais c’est rarement le cas tant j’ai tendance à
sous-estimer l’ampleur des tâches comme à surestimer mes capacités, à le
remplir complètement j’en retire un certain bien être. Et c’est en cela que je
ressemble de plus en plus à mon père.
C’était un actif. Jusqu’à un âge avancé, il se levait très tôt afin de se livrer à de
multiples bricolages. Et il faisait cela avec une énergie qui n’avait d’égale
que sa maladresse et le peu de contrariété que lui causait un travail bâclé.
Bricoler avec lui était une épreuve. Quand je lui donnais un coup de main, malgré
la résolution que j’avais prise de ne plus jamais m’opposer à lui, il me fallait prendre sur moi pour supporter
les ravages que provoquait son manque de soin. Couper des planches sans
mesurer, transformer un portail neuf en quasi-ruine lors de sa pose, installer
des montages électriques aussi peu sûrs qu’abracadabrants, n’étaient que
quelques uns de ses nombreux talents. Si j’ai appris quelque chose avec lui,
c’est ce qu’il ne fallait pas faire. Ma manie de trouver imparfait tout ce que
je peux faire lui était étrangère. Quand une imperfection était par trop
flagrante, il ne consentait qu’à regret à la masquer par une réparation parfois
pire que le défaut originel…
Il était totalement rétif à toute
"inaction". De sa vie, il n’avait, en dehors d’ouvrages de droit d’administration
communale, lu qu’un roman, La Mousson,
si je me souviens bien. Il faut dire à sa décharge qu’une maladie le clouant au
lit (la seule que je lui ai connue en dehors du Parkinson final), il n’avait
d’autre choix. Quand je l’ai vu décliner, j’ai pensé que le jour où il se
verrait incapable de faire quoi que ce soit de ses mains, il s’éteindrait bien
vite. C’était bien mal connaître la vieillesse qui souvent apporte leur remède
aux maux qu’elle cause. Plutôt que de déprimer et se laisser aller, il
considéra que le peu qu’il pouvait encore faire était beaucoup… Heureux
caractère !
S’il y a ressemblance, elle n’est donc que très
partielle… Devrais-je en conclure que je n’ai que très peu commencé à vieillir ?