Un certain Etienne Marteaux, représentant du parquet dans
les Vosges de son état (on se demande d’ailleurs de quoi ce VRP en parqueterie se
mêle), serait, selon un
article du Figaro, pour qu’on poursuivît les proches de conducteurs qui n’auraient
pas signalé aux autorités le manque d’aptitude à la conduite de leur père,
grand père, cousin, conjoint, âme damnée ou relation d’un soir. Tout cela parce qu’un homme de
quatre-vingt-neuf ans atteint de démence a malencontreusement renversé la moto
d’un père de famille (eût-il été un célibataire, c’eût été anodin) avec pour
conséquence le décès dudit motard et de graves blessures pour son fils de
treize ans qu’il ramenait de l’école. Il nous est par ailleurs utilement
précisé que le malheureux motocycliste laissait « derrière lui sa femme Christelle et leurs trois enfants. »
Ben oui, il n’eût plus manqué qu’ils
eussent partagé son fatal destin. On peut d’ailleurs se demander si le fait que
sa femme se soit prénommée Christelle change grand-chose au problème…
Vu qu’à tout malheur il faut un responsable et que le
vieillard, n’ayant plus sa tête, ne
pouvait l’être, M. Marteaux (son nom l’inscrit-il dans une longue lignée de
déments ?) considéra donc qu’il serait logique que ses proches soient
reconnus responsables de l’accident. Pour ce faire « Il s'appuie sur l'article R.221-14 du Code de la route. Une disposition
qui permet aux gendarmes, à un tuteur ou un membre de la famille de saisir le
préfet d'une demande de contrôle médical pour un automobiliste dont l'état
physique peut mettre en danger la vie d'autrui. À la suite de quoi, si
l'inaptitude est constatée par un médecin, le préfet peut prendre une mesure de
suspension du permis de conduire. »
avant d’ajouter : «Or dès
lors que cette procédure est connue, j'estime que le proche d'un conducteur
extrêmement dangereux au volant peut voir sa responsabilité engagée avec un
lien de causalité indirect».
Il se trouve que je me suis trouvé confronté à ce genre de
problème avec mon père. Le pauvre vieux fut atteint à soixante et quinze ans de
la maladie de Parkinson ; elle n’alla pas en s’arrangeant et finit par l’emporter
seize ans plus tard. Cela n’allait pas sans affecter sa capacité de conduite,
laquelle n’avait jamais été bien fameuse. Même dans la force de l’âge, tout
voyage avec lui au volant était éprouvant pour les nerfs les mieux maîtrisés.
Avec mon frère aîné, nous en vînmes à la conclusion qu’il serait peut être
judicieux de lui conseiller de renoncer à prendre la route. Seulement, vu le
caractère du bonhomme que je qualifierais de « fortement breton », l’entreprise
s’annonçait délicate. Je décidai cependant de m’y lancer, vu que j’entretenais
avec lui des rapports apaisés. Un beau jour, ayant rassemblé tout mon courage,
je l’appelai, bien décidé à aborder l’épineuse question. Seulement, avant que
je n’aie eu le temps de le faire, le brave vieux, tout guilleret, m’annonça une
bonne nouvelle : il venait de s’acheter une voiture neuve ! A cette
annonce, je perdis tous mes moyens. Qu’aurais-je dû faire ? Le dénoncer sournoisement
à la Kommandantur ? Le problème trouva
finalement une solution : lassée par ses embardées et diverses montées sur les
trottoirs sa compagne finit par refuser de monter dans son véhicule et lui-même
en vint à regret à la conclusion que ses qualités de pilote n’étaient plus ce
qu’elles avaient été. Il vendit sa belle auto avant d’avoir envoyé ad patres ou
à l’hôpital qui que ce soit.
Quoi qu’il en soit, il ne me semble pas que menacer de
poursuites quiconque n’aurait pas dénoncé un proche soit la solution. D’abord,
sur quoi se baserait-on pour le faire ? Est-on spécialiste en ces matières ?
A part dans des cas manifestes d’incapacité ne risque-t-on pas, après
expertise, de se voir accusé de non-dénonciation d’une personne dont l’incapacité
nous avait échappé ?
La solution serait, comme dans d’autres pays d’instituer un
contrôle d’aptitude à la conduite des seniors. Reste à savoir quel serait l’âge
à partir duquel il s’effectuerait, qui le ferait subir et quels critères seraient retenus. Jusqu’ici, nos chers
politiciens, peu désireux de perdre les suffrages des anciens, préfèrent s’abstenir
de proposer une quelconque réglementation. Suivre les préconisations de M.
Marteaux ne serait pas nécessairement plus porteur et risquerait de nuire à une
harmonie familiale souvent fragile. Allez, M. Hollande, un peu de courage :
le changement, c’est maintenant et vu ce que vous avez à perdre…