Une belle mort, qui n’en rêve pas ? Une mort qui ferait envie, vers laquelle tous
se précipiteraient (à part, évidemment, l’immense majorité de nos contemporains
qui se verraient volontiers immortels) ? Seulement, tous ne s’accordent
pas sur ce qu’elle serait cette foutue « belle mort » et là
commencent les questions…
Si on faisait un joli sondage, je pense qu’une immense majorité
la verrait comme un non-réveil. On se couche, ravi d’avoir vu le 567 258e épisode de Plus belle la vie, et puis dans la nuit, un quelconque AVC règle
votre compte. Au matin, votre compagne, si vous en avez une, vous trouve bien
froid. Enfin, plus froid que d’ordinaire. Elle en est un peu choquée mais elle
finira bien par s’y faire… Si vous n’avez pas de compagne, de proches qui s’inquiètent,
il se peut que l’on ne vous retrouve que quelques jours, semaines, mois,
années, plus tard. Dans un état de décomposition ou de momification variable
(au cas où, à la différence du gars qui
allait rendre visite à Perrine le soir après le diner et qu’elle avait caché dans le hucher, vous n’auriez
pas été bouffé par les rats)...
Tu parles d’une belle mort ! Personnellement, je
préfèrerais regarder la mort en face, la voir venir comme une délivrance, lui
emboiter le pas, guilleret, après un de ces bons vieux cancers bien mérités, tant
les insupportables douleurs qu’il m’infligerait m’aideraient à la trouver
séduisante … Quand je saurai que c’est foutu, qu’il serait illusoire d’espérer
qu’une pénible chimio ait plus d’effet qu’une ONG en Afrique (ou ailleurs), je
rangerai (brûlerai ?) mes papiers, réglerai mes comptes, et demanderai à
une médecine dont je n’aurai, toute ma vie durant, eu rien à cirer, d’alléger
voire, si possible, de mettre fin à mon « calvaire ».
Seulement, comme tout un chacun, je n’aurai pas le choix :
il se peut que je connaisse l’abhorrée mort subite tant aimée de mes
contemporains, il se peut aussi qu’une maladie dégénérative me fasse peu à peu
sombrer corps et âme dans un no-Jacques-Étienne-land,
que je finisse dans un EHPAD, entouré d’autres épaves, pris en charge par de
gentilles dames en blanc dont je n’aurai même plus l’idée de reluquer les
rondeurs au passage. Je n’aurai pas le choix. C’est comme ça, la vie.
Alors, les grands principes, la vie sacrée, au risque de
choquer certains, je dirai que je m’en tape, qu’au cas où je me retrouverais
légume, où je continuerais à coûter un max à la société avec à peu près autant
d’avenir qu’une décision socialiste, eh bien oui, je serais pour qu’on m’achève,
qu’on arrête un cirque inutile. Il faut bien mourir un jour et d’ailleurs, qui
s’étonne et s’émeut encore aujourd’hui de la mort du bon Charlemagne ?