Hier, c’était la Journée Mondiale des Donneurs de Sang. Il est
bien normal qu’une journée spécifique soit
dédiée à ce don porteur d’espoir pour blessés et malades. D’autant plus qu’au
contraire des donneurs de leçons de tout bord qui nous bassinent
quotidiennement, le nombre de donneurs de sang tend à stagner tandis que les
besoins en produits sanguins augmentent. Quoi de plus beau, de plus généreux,
de plus noble que de se joindre à la cohorte universelle des généreux donateurs
en ce jour insigne ? Eh bien cet
honneur doublé de joie et récompensé d’une petite collation m’est refusé. Pour
y participer, il me faudrait mentir sur mon passé, en gommer certain épisode.
En effet, il se trouve que la loi m’interdit A VIE tout don
de ce genre. Parce qu’entre 1980 et 1996 j’ai séjourné plus de douze mois en Grande-Bretagne.
Ce n’est pas la seule raison qui entraîne ce bannissement : si vous subi une transfusion sanguine, une greffe d’organe, de tissus ou de cellules,
consommé de la drogue par injection intraveineuse, ou qu’homme vous avez
pratiqué le coït avec un autre homme, c’est un NIET définitif ! Vu qu’une
seule de ces raisons vous disqualifie, le junkie homosexuel
ayant reçu un foie en échange standard tandis qu’il passait un an à Birmingham ne
sera pas plus rembarré que moi. Dans ces conditions, pourquoi se gêner se demanderont
certains ?
La raison de cette interdiction est le risque de
transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jacob, ou plus simplement (écrire
Creutzfeldt sans fautes n’est pas donné à tout le monde !) maladie de la
vache folle. Il se trouve qu’ayant au meilleur de l’épidémie vécu trois ans et
demi durant en terre Britannique, je me trouve d’autant plus exposé que j’ai
profité de ce que le bœuf était boudé par une foule timorée et que son prix s’en
trouvait abaissé pour m’offrir une cure de bon gros steaks bien saignants
tandis que ma compagne d’alors, aussi végétarienne qu’irascible se repaissait
de tofu, burgers de soja et autres cochonneries immangeables.
Une chose me turlupine cependant : pourquoi un an ?
Quelles études fiables ont permis de déterminer que douze mois étaient
nécessaires pour qu’ait lieu une potentielle contamination ? N’est-il pas
concevable qu’un individu trempant une bavette dans son café du matin, déjeunant
d’une entrecôte, agrémentant son thé de cinq heures d’un steak tartare et dînant
d’un épais tournedos bleu ait plus de chance d’être contaminé en trois mois qu’un
végétalien en douze ?
La vérité semble être qu’on ne sait pas trop comment se propage
cette maladie fatale censée prendre des années voire des décennies pour
incuber. Si j’étais homme à m’inquiéter de ma santé, je pourrais donc plus de
vingt ans après mon retour scruter mon comportement à la recherche d’éventuels
symptômes précurseurs de la possible démence finale. Mais de syndrome
pyramidal, point, mes troubles cognitifs sont modérés, je ne semble souffrir,
et seulement passagèrement, de certains symptômes du syndrome cérébelleux que suite à une erreur d’évaluation de la
quantité de whisky ou de vodka nécessaire à mon bien être, quant aux mouvements
anormaux involontaires, ils m’épargnent semble-t-il vu que je ne vote pas à
gauche.
Même si dans les années qui viennent on revenait sur cette
mesure, il se peut que ça ne serve pas à grand-chose vu que d’ici un peu plus d’un
an je serai trop vieux pour un don de plasma et que 2020 me verra atteindre l’âge
limite pour celui de sang. Je pourrais toujours, afin de compenser cette
frustration, donner ma vie pour la Patrie (qui, comme chacun sait « est le
sort le plus beau, le plus digne d’envie* ») mais ça encore, ça me paraît
être un truc de jeunes…
*du moins d’après le « Chœur des Girondins »