Jardiner est certes exaltant mais c’est aussi l’occasion de se
voir mis à l’épreuve, et de rude manière !
Il y a dix jours j’exprimai la rancœur que j’avais conçue suite à la
disparition totale de mon semis de flageolets. Changeant de graines, j’avais lancé un nouveau
semis. Eh bien cette nouvelle tentative fut suivie d’un nouvel échec. Sur les
160 graines, UNE SEULE produisit une malingre plantule ! Comment ne pas parler de malédiction ? Allai-je m’abandonner au désespoir ? NON !
Je ne suis pas de ceux que les échecs répétés découragent. Tout ce qui ne tue
pas rend plus fort. Or a-t-on vu un jardinier mourir des suites d’un semis avorté ?
C’est donc animé d’une mâle détermination que je m’en fus quérir de nouvelles
semences chez Monsieur Point Vert et que je confiai leur destin aux sillons. Si
une nouvelle défaite s’ensuit, je ne baisserai pas les bras, quitte à changer
de planche…
Pangloss me fit récemment reproche de l’impatience qui me
poussait à ne pas attendre que mes fraises atteignent leur pleine maturité pour
les cueillir. Je justifiai cette « impatience » par le fait que
fourmis, merles et autres limaces tendaient à les dévorer dès qu’elles étaient
à point. Cependant, troublé par la
remontrance, je la ressassai et me dis que, dans le fond, peut-être serait-il
plus sage de faire la part du feu, de laisser mes ennemis se servir en me
contentant des restes que voudraient bien me laisser ces nuisibles et d’attendre
de les récolter bien mûres. Seulement,
la voracité et le nombre des ennemis fait qu’ils ont tendance à tout attaquer.
Si elles se contentaient de dévorer un fruit après l’autre, n’en laissant rien,
ce serait jouable. Seulement, suite à ce qu’il faut bien appeler une erreur de
conception du Créateur, la fraise ne mûrit pas uniformément : alors que le
haut du fruit est bien rouge, tendre et sucré, l’autre extrémité demeure blême,
dure et insipide. Du coup, les gourmandes fourmis se repaissent du haut puis passent à une autre…
Le Créateur serait-il myrmicophile ? Jardiniérophobe ? Simplement distrait et inconséquent ? Je
pencherais pour cette dernière hypothèse. L’observation de la nature m’a fait
constater que s’y trouvaient toutes sortes de bestioles et de plantes d’une
inutilité incontestable quand elles ne sont pas carrément nuisibles. Nous créer
à son image était bel et bon mais concevoir tant de créatures propres à nous
compliquer la vie était-il indispensable ?
Il y a quand même du positif :
L’artichaut est d’une culture facile : on en achète un
pied, on le plante et on attend. Au fil des ans, cette plante vivace renaît plus
grande au printemps et produit davantage de succulents bourgeons. Cette année, une
vingtaine d’artichauts s’annoncent. La photo montre la récolte de ce matin. Ils
sont petits mais délicieux et d’une tendreté rare (on peut même en manger la
queue, en cette année pluvieuse). N’en cherchez pas de tels dans le commerce :
il ne propose que de gros bretons poussés à l’engrais. Et tout ça, on l’obtient sans effort, ça
vient tout seul… Elle est pas belle la vie ?