Ce billet n’est que la suite du précédent. Il l’illustre.
Ma jeune mère, car, étant morte avant d’avoir atteint mon
âge d’aujourd’hui la vie me fait son aîné, avait coutume de dire que le grand
saint du temps effaçait tout. Maxime qu’elle s’empressait d’oublier en ruminant
de vieilles rancœurs. Nul n’est parfait…
Or donc, en 1988,
avec mon ex-épouse nous déménageâmes. Le torchon se consumait alors gentiment. Pour
mener à bien l’opération, il fallut un camion de 40 mètres cubes ainsi qu’un autre
de dimensions plus modestes. Un peu plus d’un an plus tard, je partis vers l’Angleterre
emportant mes maigres possessions en deux valises. Allègement considérable
autant que souhaitable, vu que, dans un
train, transporter la moitié de ce chargement eût probablement entraîné un
supplément.
Pour des raisons financières complexes, mon épouse sentit un
désir profond autant que soudain de
divorcer un ou deux ans plus tard. Bien que moyennement partisan du divorce, n’y trouvant aucun
avantage mais étant de nature arrangeante, je souscrivis à sa demande. Notre avocat (qui était surtout le sien) s’arrangea pour que la non-conciliation et le jugement final eussent lieu lors
de mes passages en France. L’acte stipulait que le partage des biens meubles
avait été effectué. En entendant cela je dis à mon ex-chère et coriace (tendre,
elle ne l’était plus guère) que je ne signerais pas. Pateline en diable, elle
me déclara que ce point de détail était
sans importance, que le véritable partage se ferait ensuite et que ce n’était
qu’une affaire de confiance. Bon enfant, je signai donc.
Les choses se compliquèrent lorsque je revins en doulce France.
Bien que trois ans et demi eussent notablement grossi mon patrimoine, lorsque j’eus
vidé le contenu de ma Fiat Panda où s’amoncelaient mes possessions terrestres, le
studio que je louais alors me sembla bien vide d’objets meublants. Il était
temps de faire jouer la clause de confiance. Hélas, il sembla que celle-ci n’avait
plus cours. Mon ex-aimée, oubliant ses promesses n’était prête à aucun partage.
Je m’en sentis contrarié tant il est apparemment chagrinant,
après avoir connu de vastes demeures confortablement meublées, de se retrouver à
faire paillasse par terre dans un logement aussi exigu que vide.
Et puis le temps passa. Je me remariai. Redivorçai. En prenant cette
fois un soin sourcilleux de mes intérêts. Maison, modeste ameublement, je m’arrangeai
pour garder tout…
Finalement, je parvins à la conclusion qu’avoir perdu
quelques bouts de bois qui à leur époque
créaient une impression de luxe confortable n’avait aucune importance :
démodés, fatigués, en eussé-je été propriétaire, leur place eût été à la
déchetterie…
Épilogue :
Il n’y a pas si longtemps, ma fille m’annonça que sa mère
voulait savoir s’il m’intéresserait de récupérer le beau bureau ministre de chêne qui un temps fut m’avait été si cher ainsi que
mon bahut rustique en noyer… Je suppose qu’ils l’encombraient. Moi aussi
ils m’auraient encombré. J’ai un autre bureau et pas de place pour le bahut.
Ainsi va la vie.