Le scootériste était bien embêté. Alors qu’il pensait qu’il
serait impossible à La Manifestation Pour Tous de mobiliser des foules, alors qu’il
avait envoyé le plus hargneux (et accessoirement le plus populaire mais pour
combien de temps ?) de ses chiens de gardes prévenir que ça allait barder (scrogneugneu !)
s’il se produisait le moindre débordement, voilà que même minimisés, les
chiffres étaient là : mobilisation il y avait bien eu contre sa loi sur (ou
pour ?ou contre ?) la famille.
Mince, zut et flute, s’écria-t-il écumant de rage !
Seule son excellente éducation l’empêcha de justesse d’ajouter « et crotte
de bique ! ». Que faire ?
Il convoqua le cerbère de l’intérieur, au nom du sacro-saint principe
socialiste selon lequel qui a foiré réussira. Le bon ministre, toutes mâchoires dehors proclama que ces gens avaient
tort de manifester contre des projets qui n’existaient pas. On s’opposerait même à toute adjonction d’amendements qui
viendraient donner ne serait-ce qu’un début de soupçon de commencement de
justification à l’opposition des paranoïaques que leur folie fasciste poussait à
défiler.
Et puis, non, tiens, si ce n’était pas assez on irait plus
loin : la loi sur (ou pour ?ou contre ?) la famille, on n'en causerait
plus. Du moins, pas cette année. Remise aux
calendes grecques, qu’elle serait ! Enfin, p’têt’pas si loin, mais après
les élections prochaines, en tout cas. Du coup, l’ivrogne communiste se mit à
braire, les pastèques se dirent trahies, le sénateur Michel (craignant de voir
son titre de roi contesté à sa gauche) s’insurgea, d’autres parlementaires
socialos parlèrent d’une proposition de loi allant dans le sens du progrès et à
contresens du gouvernement…
Prendraient-ils tous leurs opposants pour des cons ? Penseraient-ils vraiment les apaiser à coup
de reports ? Croiraient-ils qu’une dissimulation passagère de ses objectifs
vaut renoncement ?
Je l’ai déjà dit, je ne suis pas de ceux qui manifestent.
Mais si j’en étais, je n’en manifesterais que plus ardemment. Pas pour m’opposer
à une loi sur le point d’être votée mais pour montrer clairement que ce que j’ai refusé, je continue
et continuerai de le refuser, que je ne me laisse pas abuser par les
atermoiements d’une clique, que ce n’est pas une question de date et que nous
sommes nombreux à penser comme moi. Car il ne s’agit pas seulement de s’opposer
à des délires modernistes mais de se
battre POUR le maintien (assorti, bien
entendu, d’une nécessaire évolution) d’un
mélange subtil et inextricable d’inné et
d’acquis qui permet à une société de fonctionner de manière plus ou moins
harmonieuse.