Une des choses qui m’amusent le plus quand il m’arrive de
regarder les actualités à la télé, c’est tous ces gens qu’on entend dire qu’à cause de la crise, ils sont obligés
de faire attention à leurs dépenses. Ce qui semble indiquer qu’en période de
non-crise ils dépensent sans compter. Difficile à vérifier, vu que ces quarante
dernières années nous avons été en pleine crise et qu’autant que je me
souvienne avant il y avait déjà des
hauts et des bas. Mais admettons.
Donc, nous sommes avant la crise et M. et Mme Chombier, employés modestes,
dépensent sans compter : que ce soit pour les fringues, la bagnole, l’alimentation,
le resto, les sorties, ils ne regardent aucun prix et se laissent guider par
leurs seules envies. Ainsi, pour partir
en vacances se sont-ils offert une Mercedes S 63 AMG. Une Bentley Continental GT, un petit peu plus chère leur aurait plu
davantage, mais les délais d’attente étaient trop longs. Lorsqu’ils arrivent à
l’hôtel 5 étoiles de Saint-Tropez où ils ont réservé une suite, un yacht de
location de soixante pieds et son équipage les attendent au port car Monsieur
aime la pêche au gros ainsi que son confort et rien ne dit que si l’envie l'en prend il ne sacrifiera pas quelques après-midi à ce hobby. Ils ont également loué pour trois semaines un
hélicoptère avec pilote au cas où la fantaisie les saisirait d’aller faire
quelques excursions dans l’arrière-pays. Bien entendu, ils déjeunent et dînent chaque
jour dans un restaurant étoilé différent (ce qui rentabilise l’hélico), leurs trois enfants prenant
le menu junior à 150 €, il serait sot de s’en priver… Afin d’éviter au chasseur la corvée du transport
de nombreux bagages, ils sont arrivés quasiment les mains dans les poches et
consacrent leur première journée à faire l’emplette de tenues estivales dans
des boutiques de prêt-à-porter de luxe. Raconter par le menu chaque
journée de cette intéressante petite
famille serait lassant. Nous nous en tiendrons donc là. Surtout que tout ça c’était
avant…
La crise a frappé les Chombier. Les salaires stagnent, l'impôt augmente. Les voici obligés de compter . Adieu, S 63 AMG, hélico, yacht, grandes tables, boutiques de
luxe ! C’est à bord d’une Clio à bout de souffle qu’ils arrivent pour une semaine de vacances au
camping. Ils auraient bien loué un mobil home mais le prix les a fait reculer.
Ils montent donc leur tente et Mme se rend au Lidl voisin faire les courses.
Saucisses-lentilles, raviolis, choucroute en boîte devraient leur permettre de
tenir quelques soirs. Le midi ce sera « sandwich
party » sous la tente. S’il n’y a pas trop de surprises désagréables,
durant la semaine on pourra peut-être s’offrir un McDo, à condition que les
gosses se partagent deux menus pour trois.
Pendant que papa colle des rustines
au bateau en plastique, maman fait un point au short du gamin qui ainsi tiendra
peut-être la semaine. Y’a pas à dire, c’était mieux avant…
Comment ça, je caricature ? Il est évident que sauf
catastrophe financière totale, on ne passe pas comme ça de l’un à l’autre. De
même qu’à moins de viser la banqueroute, on ne dépense JAMAIS (crise ou pas
crise) sans compter. Quels que soient ses moyens, toute personne raisonnable
adapte ses dépenses à ses revenus. Même M. Bill Gates. C’est pourquoi l’idée que la crise amènerait tout un chacun
à surveiller son budget me paraît
particulièrement comique. Comme si on avait jamais le choix entre le faire et
ne pas le faire !