M. A, lorsque le conseiller lui annonça sa découverte
parut, malgré son tempérament placide un rien décontenancé. « Le Président
pense trouver une inversion dans ses souliers au matin du 25 ? Mais il
déraille complètement ! Bien sûr, en tant que socialistes, nous croyons tous, comme ceux qui
nous ont portés au pouvoir, au Père Noël mais de là à surévaluer les pouvoirs
de l’objet de notre culte… »
Une réunion des principaux membres du cabinet A. fut
organisée d’urgence en s’assurant que le secret de ce conseil improvisé serait
parfaitement tenu et surtout que le Président H. n’en saurait rien. Le fait que
celui-ci s’était rendu à l’institut François Mitterrand de Gaborone afin d’y
prononcer la conférence inaugurale de l’Association Franco-Botswanaise pour un
Macramé Citoyen facilita les choses. M. A., après avoir déclaré la séance
ouverte, résuma en quelques mots la découverte du conseiller et appela chacun à
donner son avis sur l’attitude à adopter face à la situation. Du débat, plusieurs
points forts ressortirent. D’abord, le Président, malgré son air ravi de la crèche
et l’abondance de sa production de blagounettes désopilantes était un homme miné
par son degré d’impopularité et que la non-réalisation de sa promesse d’inversion
risquait de mener à péter un câble comme fit le bon M. Deschanel. Ce qui n’était
aucunement souhaitable. Ensuite, il
fallait bien reconnaître que la publication de chiffres du chômage en hausse courant
janvier risquait de nuire à toute l’équipe. Il était donc essentiel de trouver
une solution.
Plusieurs furent avancées. La destruction du réseau
SFR fut rapidement évacuée, vu que le bug d’août avait attiré l’attention des
Français sur l’influence de cette entreprise dans l’établissement des
statistiques. De même, l’envoi de menaces de mort au directeur de l’INSEE s’il
ne publiait pas des chiffres maquillés fut vite balayée : trop de
statisticiens étaient en mesure de découvrir la supercherie et les liquider
tous pourrait faire naître la suspicion. Restaient les emplois aidés.
Seulement, les candidats ne se bousculaient pas. C’est alors que le Ministre
des Décisions Primesautières et de l’Enfumage Généralisé, dont l’influence
grandissait sans cesse, émit une idée qui rallia tous les suffrages : la période
de Noël était une période de trêve politique et de grande consommation.
Seulement, elle ne durait que peu de temps… Sauf si, par décret, on l’allongeait.
S’il était décidé de prolonger celle-ci, à titre expérimental, jusqu’au 31
décembre 2014, les retombées économiques risquaient d’être importantes et d’entraîner
une embellie sur l’emploi. Imaginez seulement : les parents distraits du
monde entier, ayant oublié de fêter Noël et de gâter leurs enfants venant en France
pour rattraper le coup. Ceux que la maladie, le travail ou toute autre raison
avaient empêchés de réveillonner venant à tout moment se goinfrer de menus
spécial fêtes à des pris faramineux dans les restaurants de l’hexagone ! La
France entière, transformée en parc à thème attirerait du monde entier tous
ceux qui avaient gardé une âme d’enfant…
Il fut donc décidé que le projet serait soumis au
Président dès son retour du Botswana. Bien entendu, une telle mesure ne put que
recueillir son adhésion tant elle s’inscrivait dans le droit fil de l’anaphore « Moi
président… » qui lui avait si bien réussi bien qu’il se fût retenu de
déclarer, « Moi président ce sera tous les jours Noël ! ». Il
fut immédiatement décidé qu’il annoncerait lui-même la nouvelle au peuple de France
lors d’une allocution télévisée qu’il prononcerait costumé en Père Noël. Ce qui
fut dit fut fait. Le Président suggéra que le Pays fût rebaptisé Santaland,
mais ses conseillers l’en dissuadèrent, jugeant la décision prématurée.
La presse, écrite, parlée et télévisée, s’empara du
slogan « Avec le Président H, c’est tous les jours Noël ! ». Cet
enthousiasme contamina les citoyens, et les affairistes. Les importateurs de
rennes embauchèrent à tour de bras, entraînant l’éclosion d’entreprises
spécialisés dans les soins aux cervidés, les fabricants de guirlandes
lumineuses multiplièrent leurs effectifs et créèrent des filiales de maintenance,
les commerces de bouche, d’élevage de volaille et de crustacés leur emboîtèrent
le pas, une prospère industrie des traineaux à rennes (avec roulettes
escamotables pour les temps chauds) vit le jour, les contrats de Pères Noël, jusque-là
de quelques jours se transformèrent en contrats annuels reconductibles…
Par centaines de milliers, des emplois nouveaux virent
le jour… Les chiffres de décembre révélèrent non seulement un inversement de la
courbe mais un véritable boom sur l’emploi, ramenant la confiance des
investisseur et des particuliers. La croissance repartit comme en quarante et
le président H. vit sa popularité monter à des niveaux inconnus d’aucun de ses
prédécesseurs. Ce qui lui fit confier à un proche : « Cette vieille baderne de Mitterrand croyait aux forces de l’esprit, moi je crois au
Père Noël, et jusqu’ici ça ne m’a pas trop mal réussi ! »
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