Dante Alighieri a donné sa vision de l’enfer, entonnoir où
les damnés sont répartis dans neuf cercles selon la gravité de leurs fautes.
Plus on a mal agi, plus on s’enfonce. C’est tout plein de bêtes voraces, de monstres
peu amènes, de fleuves bouillonnants ou gelés. On voit qu’on n’a pas lésiné sur les moyens,
que rien n’a été épargné pour assurer l’inconfort des résidents. Seulement, l’esprit
simple du bon Dante lui a fait négliger une donnée pourtant fondamentale :
l’enfer des uns peut être le paradis des autres. Et vice-versa. Infliger à tous
le même supplice peut donc s’avérer contre productif.
Par exemple, les gaspilleurs y sont poursuivis et dévorés
par des chiennes. Sans trop m’avancer et
quoiqu’étant de mœurs ordinaires, je suis persuadé qu’existent de braves gens
prêts à dépenser des fortunes pour se faire bouffer les fesses (et le reste)
par des chiennes vénales dans des maisons à cet innocent passe-temps dédiées. Vous pensez bien que si
on leur proposait la même chose pour l’éternité et sans un rouge liard
débourser, ils se mettraient à gaspiller comme des fous, histoire de s’assurer une place au septième
cercle. De même, la punition des gourmands (immergés dans une fange puante)
pousserait certains à reprendre trois fois de chaque plat, quitte à s’en faire péter
la sous-ventrière…
On me dira qu’en ce quatorzième siècle commençant, l’humain
était moins tordu qu’aujourd’hui, que ces petites déviances, naguère jugées
perverses et aujourd’hui, grâce au progrès, considérées normales n’existaient
pas. Permettez-moi d’en douter. L’homme ne change pas tant que ça, ni en bien
ni en mal.
Tout ça pour dire que pour être efficace, l’enfer doit être individualisé.
Cette conclusion, à laquelle j’étais parvenu il y a des lustres, m’est revenue
à l’esprit suite à la glorieuse victoire de l’équipe de France lors d’un match
de baballe pas plus tard qu’hier soir. Suite à l’inespéré résultat du match
aller, s’était ancrée en mon esprit l’idée que les carottes de l’équipe de France
étaient aussi archi-cuites que peuvent être archi-sèches les chaussettes d’une archiduchesse
et qu’ une longue trêve footbalistique allait s’ensuivre. Mon optimisme m’avait
encore joué un tour ! Les bougres ont gagné et 2014 sera une année
maudite. Car s’il y a une chose que je
déteste c’est bien le sport et particulièrement ce jeu où des jeunes gens en
short courent comme des possédés après une baballe afin de loger icelle dans
une sorte de cage tandis que leurs adversaires tentent de les en empêcher et de
s’emparer de la baballe dans le but avoué de la loger dans la cage opposée.
Tout ça en présence de foules nombreuses et vociférantes que le passage d’une boule
de cuir entre deux poteaux semble apte à mener à l’extase ou au désespoir selon
l’auteur de l’ « exploit ».
Pour toutes ces raisons, je me suis fait une idée assez
claire de ce qu’un Créateur cruel et vindicatif
pourrait m’infliger comme punition infernale pour mes peccadilles. Bien entendu,
il y aurait les privations : rien à visser, pas de potager, pas de livres, pas d’internet,
pas de bons repas, pas de whisky du soir, pas de compagnie féminine. Ça serait
éternellement bien triste et ennuyeux. Mais bon, fallait y penser avant. Là où
ma vision se fait vraiment atroce, c’est quand aux privations s’ajoute le
supplice. Je me vois, cloué à jamais dans un fauteuil de préférence
inconfortable, devant un grand écran sur
lequel passent en boucle des matchs de foot. Un dispositif oculaire maintient
mes yeux éternellement ouverts tandis qu’un autre m’empêche de tourner la tête.
Des oreillettes dispensent dans mes oreilles les commentaires de Thierry
Roland. De temps en temps, pour varier mes peines, on introduit entre deux
parties des interviews de joueurs, de sélectionneurs ou de pronostiqueurs. L’horreur
atteint alors son comble. Je prie, supplie, réclame le neuvième cercle de
Dante. En vain, je le sais.
Devrais-je, pour me mithridatiser tenter de regarder un
match, une mi-temps, un résumé ? Non, c’est au-dessus de mes forces !
Mon seul espoir est que mon athéisme soit fondé
ou qu’un tel châtiment ne puisse être conçu par un Dieu juste et bon.