Déraper, au sens figuré, c’est « effectuer un mouvement imprévu, incontrôlé (dans le domaine
intellectuel, psychique), s’écarter brusquement de la norme, de l’habitude ».
Le dérapage consistant, comme on pouvait s’y attendre, à déraper. Je tiens cela
de M. Petit Robert qu’on accusera difficilement de manquer de self-control et
de déraper dans ses définitions.
Il me semble cependant utile de relever dans cette entrée
certains mots révélateurs. Ainsi le dérapage est soit inattendu soit incontrôlé. Et s’il s’écarte de la norme et de l’habitude,
c’est avec brusquerie. Le dérapage est donc un phénomène en soi surprenant et
suppose qu’existent norme et habitude.
Curieusement, seuls les politiciens de droite et
accessoirement M. Valls dérapent tandis qu’à gauche on tient la route (qui mène
dans le mur). Vous souvenez-vous avoir
jamais entendu la presse ou la droite qualifier une quelconque déclaration, si
abracadabrantesque fût elle, de dérapage ?
Quand M. Peillon écrit dans son ouvrage La Révolution n’est
pas terminée, publié
au Seuil en 2008 : « C’est bien une nouvelle
naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette
nouvelle Eglise, avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles
tables de la Loi. La société républicaine et laïque n’a pas d’autre choix que de
« s’enseigner elle-même » (Quinet) d’être un recommencement perpétuel de la
République en chaque républicain, un engendrement continu de chaque citoyen en
chaque enfant, une révolution pacifique mais permanente ». Nul ne l’accuse de déraper ni même de simplement délirer.
Il est vrai qu’un écrit est difficilement « incontrôlé » (à moins qu’il
ne soit rédigé sous l’empire de substances, ce qui est inenvisageable de la
part d’un personnage si « respectable»).
Il semblerait donc que l’on puisse écrire ou tenir des
propos éloigné de la « norme » sans déraper à la condition d’être de
gauche. Reste à savoir ce qu’est cette fameuse « norme ». Notre pays
ne manque pas, c’est le moins que l’on puisse dire, de normes précises et
contraignantes. Celles-ci sont établies puis publiées par l’AFNOR ou découlent
de « Normes Européennes ». Or c’est en vain qu’on chercherait trace
de la moindre norme déposée dans le domaine intellectuel. Reste l’habitude.
Est-il si commun de parler de l’école comme
d’une « nouvelle Eglise, avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie,
ses nouvelles tables de la Loi » ? J’en doute. Ainsi il semblerait
que, si hors normes et habitudes soient-ils,
les propos ou écrits des personnalités de gauche ne sauraient être que des
opinions.
On constate donc que le dérapage ne s’effectue que par
rapport à ce qui est à un moment M considéré par les gens de gauche et leurs
relais organisationnels et journalistiques comme un discours acceptable, si
éloigné de toute norme et habitude (notions éminemment contestables) soit-il.
Après cela, on viendra nous dire sans rire que ceux qui dénoncent une tyrannie
de la bienpensance déraillent…
Faute de voir qualifiés de dérapage les propos outrés de tel ou tel ministre ou personnalité
de gauche, il me semble difficile de considérer qu’un tel concept existe. A
moins bien entendu d’en donner pour définition : « Écart observé
dans le discours d’une personne considérée de droite par rapport à ce que les
gens de gauche considèrent séant d’exprimer». Ce qui, au niveau de la
stigmatisation, réduirait sa force mais aurait l’avantage de le rapprocher de
la réalité.