« On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans … »
C’est sûr, Arthur ! Et pourquoi le serait-on ? Y
a-t-il un âge ou ce serait utile, voire nécessaire ? Et d’abord, qu’est-ce
au juste que d’être sérieux ? Si j’en crois le Petit Robert, pour ce qui
concerne les personnes, est sérieux celui (ou celle)« qui prend en considération ce
qui mérite de l’être et agit en conséquence, avec le sentiment de l’importance
de ce qu’il fait ». Un autre sens
fait du sérieux quelqu’un « qui ne rit pas, ne manifeste aucune gaieté ».
Un bien triste luron, si tant est qu’un luron puisse être triste.
Quand je lis de telles descriptions, je me demande s’il est
bien sérieux d’être sérieux. Je veux bien qu’on prenne en considération ce qui
mérite de l’être. Prendre en considération ce qui ne mériterait pas de l’être
ne serait-ce pas faire preuve d’une faute de jugement ? Maintenant, au nom de
quoi décide-t-on qu’une chose mérite
considération ? Je suppose que le président de la Fédération Française de
Bilboquet (si une telle fédération existe) prend son rôle avec le même sérieux
que son collègue du football prend le sien.
Curieusement, ces deux activités me paraissent aussi futiles l’une que l’autre.
Je ne saurais donc leur accorder ma précieuse considération. L’homme sérieux ne
le serait donc qu’en fonction de goûts personnels discutables.
Prenons une cause universellement reconnue comme méritant d’être
prise en considération telle que la protection du bouzillon à crête mordorée dont le chant
mélodieux égaie nos campagnes. Sachant la bestiole sensible au froid, je peux
être amené à lui tricoter des cache-nez afin qu’il souffre moins de l’hiver.
Étant un homme sérieux, je les confectionne « avec le sentiment de l’importance
de ce [que je] fais » N’empêche, aux yeux de personnes futiles, il se peut
que mon action en faveur du cache-nez des bouzillons frise le ridicule.
J’ai vu hier un reportage sur une troupe de sourds-muets qui
avait monté une version du Carmen de Bizet en…
…langue des signes ! Cela nous fut présenté avec sérieux.
Il ressort de cela que rien ne saurait objectivement
justifier que l’on soit sérieux. Faut-il pour autant tout prendre à la rigolade
et faire n’importe quoi n’importe comment ? Ma défunte mère, à qui il
arrivait de dire des choses sensées bien qu’elle ait pris bien trop de choses
au sérieux, avait fait sienne cette maxime de son père : « Tout ce
qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait ». Ça me paraît raisonnable. Faire ce que l’on
entreprend avec soin et conscience est souhaitable et suffisant. Considérer que
c’est important me semble abusif puisque le primordial de l’un est le futile de
l’autre. Perdre conscience de cette relativité peut mener au fanatisme lequel
est toujours affaire de gens SÉRIEUX.
Alors que pas plus tard qu’hier je viens de passer avec
succès la barre des 3,705882352941176 fois 17 ans (notez mon sens aigu de l’exactitude),
j’en viens à la conclusion que je ne serai jamais sérieux et que je suis encore
moins prêt à me prendre au sérieux.