Ces derniers jours, j’ai été débordé : travaux au
jardin, pêche à pied, visite d’une voiture et abondantes récoltes de ce délicieux
fruit que M. Desgrange, grand tomatophobe
devant l’Éternel, ose nommer « baie visqueuse et gluante » m’ont tenu
éloigné de ce blog. Curieusement, la
Terre ne semble pas s’être trouvée bouleversée par le tarissement de cette
infinie source de sagesse. On continue de massacrer ici où là, de déconner à
plein tube à La Rochelle, on dézingue
avec ardeur dans les Bouches-du-Rhône, la France se redresse plus vite que l’organe
d’un ex-patron du FMI à la vue d’un jupon, bref, la routine…
Résultat : un jardin recouvrant sa beauté, un repas de
coques, des litres de savoureuse sauce tomate, de pleins bocaux de tomates-cerises baignant dans le vinaigre aromatisé et… Une
grande déception. Si pour Guillaume Apollinaire, « la joie venait toujours
après la peine », ce fut pour moi, ce vendredi tout le contraire. Au
bonheur d’une pêche aux coques fructueuse succéda la déception d’une visite
calamiteuse. Ma compagne ayant souhaité profiter de la grande marée pour une
sortie à la mer nous décidâmes de nous
rendre à un endroit de la côte où pullule la cerastoderma edule. Ce choix me
permettait, faisant d’une pierre deux coups, d’aller voir à quelques kilomètres
de là une voiture qui avait retenu mon
attention, à savoir une Cadillac Seville de 1985, curieux véhicule dont la carrosserie,
inspirée des Rolls Royce des années 60, m’avait séduit. Une calandre rappelant sa cousine anglaise,
des roues à rayons, un coffre saillant et, cerise sur le gâteau, une roue de secours fixée
sur ledit coffre me firent rêver. J’aurais
préféré que la couleur fût autre que bleue, mais l’idéal n’est pas de ce monde.
Pour vous donner une idée de la bête, voici une photo d’un modèle sans roue de
secours apparente.
Je
pris donc langue avec l’heureux propriétaire de cette merveille. Il me l’assura
impeccable. De carrosserie comme de moteur on l’eût crue neuve. A part que, suite à un malheureux incident, il se voyait
contraint de repeindre le capot afin d’en maintenir la perfection. Vu qu’il se
déclarait ouvert à la négociation, j’en entamais une. Elle fut modeste car il me
dit avoir déjà deux propositions. Je n’insistai pas me disant qu’on pourrait
revoir ça à la baisse venu le moment du règlement…
La
pêche terminée, nous finîmes par le trouver malgré des indications un brin confuses
sur son lieu de résidence. La voiture
était là. A première vue pimpante. A deuxième vue moins. Il n’avait pas encore repeint
le capot ce qui nuisait pour le moins à son esthétique, surtout que la
préparation au mastic ne laissait pas
augurer d’un possible retour à une condition parfaite. Si les pare-chocs étaient
impeccables, on ne pouvait en dire autant des autres chromes, bien nettoyés
mais un peu piqués quand même. De même la peinture laissait apparaître par-ci
par-là les signes inquiétants d’un début de corrosion qu’il me dit n’être dus
qu’à des retouches de peinture
maladroites. Tu parles, Charles ! Si une brûlure de cigarette sur le siège
passager avant et une moquette bien fatiguée
sont des signes de perfection pour l’intérieur, il n’y avait pas à se plaindre :
elles étaient bien là. Ce qui me déçut le plus fut le tableau de bord : il était
américain et de son époque : mastoc et démodé. Il me la démarra. Le bruit du moteur sans
être inquiétant n’avait rien d’enthousiasmant. Un rapide coup d’œil au moteur
précéda une infructueuse tentative de fermeture du capot. Il fallut s’y prendre
à plusieurs fois avant que la manœuvre fût couronnée de succès. Puis ce fut le départ pour un petit tour d’essai.
Je le laissai piloter.Si je trouvai la
suspension un peu molle et la tenue de route approximative, le pire était à
venir.
De retour
au garage, sortant de la voiture, je sentis une odeur de chaud inquiétante. Je la
lui signalai mais il me dit ne rien sentir de spécial. Il ouvrit cependant le
capot. De la fumée s’échappait du
moteur, suite à une fuite d’huile venue du cache-culbuteurs et se répandant sur
les pipes d’échappement. Se saisissant d’une clé, il resserra les boulons, me
disant que ce n’était rien. N’empêche
que je vis alors que la boîte de vitesse située en dessous était couverte d’huile. La mécanique laissait donc également à
désirer.
Il me
demanda si je la prenais. Je luis dis qu’avant toute décision je préférerais la
voir peinture terminée et que la nuit portant conseil je l’appellerais le
lendemain pour un nouveau rendez-vous ou pour ne pas donner suite. Je ne donnai
pas suite.
Du
coup me voici dégoûté des Cadillac et sur la piste de belles Jaguar. J’en ai
deux en vue. Impeccables, naturellement…